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Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Titel: Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnauld d'Abbadie
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vassaux se rendaient auprès de lui. Au nord du village, et sur la partie culminante de la montagne, deux grandes enceintes concentriques, formées d'un fort clayonnage renfermaient plusieurs vastes huttes rondes éparses, où il demeurait avec une partie de son service; les huttes construites en clayonnage étaient recouvertes de toits coniques en chaume. Il y avait la maison dite des chevaux, celle des cuisinières, celle de l'hydromel, celle des orfèvres, celle du confesseur et des clercs, tant écrivains que légistes, celle du trésor qu'on disait être ordinairement dégarni, et enfin la demeure de la femme du Ras et de ses suivantes favorites. En dehors des enceintes, se dressaient sans ordre seize à dix-sept cents maisons, huttes, cases de toutes dimensions, quelques tentes même, où demeuraient les officiers et soldats de service, les compagnies de fusiliers, les courtisans, tous ceux enfin qui vivaient habituellement auprès du Ras.
    Nous mîmes pied à terre à l'entrée de la première enceinte, au milieu d'une foule remuante et clameuse. La façon pittoresque et hardie dont la plupart étaient enhaillonnés de leurs toges, les chevelures tressées, les poses fières, les gestes mâles, l'absence de têtes grises, tout indiquait des hommes de main, apprentis pillards au service des seigneurs. C'étaient des pages, des soldats, espèces de menins qui les accompagnent partout et toujours, veillant sur eux, partageant leurs joies et leurs chagrins, toujours prêts à recevoir leurs confidences ou leurs ordres, à l'église, à table, en marche, partout, dormant auprès d'eux, incarnés enfin à ces patrons dont ils empruntent les qualités et les vices, dont ils connaissent mieux les affaires et prennent les intérêts avec plus de vigilance qu'eux-mêmes. En échange de leur dévouement, ils reçoivent des investitures et des positions, qui les mettent souvent à même de devenir à leur tour les protecteurs ou même les patrons de leurs premiers maîtres. Il y avait là des servants d'armes ou porteurs du bouclier et de la javeline du maître; d'autres portant des estramaçons, sorte d'épée à deux tranchants, à poignée cruciale garnie d'argent, qu'on porte à l'épaule dans de longues housses écarlates, devant les Dedjazmatchs et certains chefs de haute marque; des palefreniers; des fusiliers avec leurs carabines à mèche, leurs cartouchières à pulvérin pendant; mules richement enharnachées; chevaux de combat piaffant sous leurs housses écarlates; boucliers aux brillantes lamelles d'argent, de vermeil ou de cuivre; javelines et sabres de toutes formes; dards effilés et tragules, lorillarts, esclavines et zagayes, coutelas, bancals, lattes, cimeterres et harpés à l'antique. Ici, un groupe de paysans, aux cheveux courts, guettant le moment propice pour se plaindre de quelque avanie; là, des bouffons, bouffonnant au milieu des rires; des pieds poudreux de tout acabit; des chiens en laisse se hargnant; des pages émerillonnés, la toge en loques, se glissant partout, se picotant, se bravant entre eux ou chantant pouille à quelque passant malencontreux.
    À notre apparition, tout ce monde fit silence et m'entoura avec une curiosité fort peu respectueuse. Le Lik Atskou échangea quelques paroles avec les huissiers, et heureusement ils nous laissèrent pénétrer dans l'enceinte; là, le spectacle était tout différent. Environ trois cents hommes, quelques-uns debout, d'autres accroupis sur le sol poudreux, conversaient par groupes: leurs toges fines et blanches, les couvraient de la tête aux pieds; leur maintien annonçait l'aristocratie: c'étaient les maîtres de ce monde bruyant laissé au dehors. Tous portèrent les yeux sur nous, mais avec une curiosité polie. Nous nous assîmes par terre, et le Lik envoya un de ses suivants parlementer avec l'huissier de faction à la porte de la deuxième enceinte, afin qu'il fit prévenir le Ras de notre arrivée. J'eus tout le temps d'observer: quelques-uns des personnages avaient les traits d'une distinction remarquable; presque tous, l'allure assurée que donne l'habitude du commandement. On me désigna les plus notables: quelques Dedjazmatchs et quelques chefs de bandes nombreuses: les huissiers leur témoignaient une déférence particulière. Les autres chefs entraient seuls, le sabre au côté; mais eux étaient admis avec quelques suivants, un servant d'armes tenant leur bouclier et leur javeline, et un page portant à l'épaule leur sabre

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