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Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Titel: Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnauld d'Abbadie
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indépendant, mais il passait pour être ligué secrètement avec le Dedjadj Guoscho, pour lequel il professait une amitié dévouée.
    Telles étaient à cette époque les conditions générales de la puissance de la maison de Gouksa.
    Environ huit ans avant l'avénement d'Ali, le Dedjad Oubié usurpa les droits de son frère Meurso au gouvernement du Samen, et s'accrut bientôt de tout le pays situé entre Gondar et le Takkazé, à l'exception toutefois de la petite province d'Armatcho. Afin de mieux assurer son indépendance, il avait conclu avec le Dedjadj Sabagadis, Gouverneur de tout le Tegraïe, une alliance offensive et défensive; mais sommé par le Ras Marié de venir lui faire à Dabra Tabor sa visite de foi et hommage, il s'y refusa, fut surpris, battu et fait prisonnier par le Ras Marié, qui le réintégra immédiatement dans son gouvernement, à condition qu'il marcherait sur-le-champ avec lui, en qualité de vassal, contre son ancien allié Sabagadis.
    Le Ras Marié envahit le Tegraïe avec toutes ses forces; Oubié conduisait l'avant-garde. La bataille eut lieu à Feureusse-Maïe; le Ras y périt, léguant la victoire à son armée. Sabagadis fut mis à mort, le lendemain, et en retournant vers le Bégamdir, les grands feudataires donnèrent à Oubié l'investiture d'une portion du Tegraïe. Le Dedjadj Kassa, fils de Sabagadis, restant en possession d'une notable partie du gouvernement de son père, Oubié conclut avec ce nouveau rival une alliance qu'il transgressa presque aussitôt. Les hommes éminents du clergé intervinrent; ils amenèrent les rivaux à une réconciliation, et Oubié prit pour femme la sœur du Dedjadj Kassa. Mais il ne put contenir ses projets de conquête, et, après des alternatives de paix armée et d'hostilités sans importance, il venait, pendant mon séjour à Gondar, de vaincre dans une bataille le Dedjadj Kassa et de s'emparer de sa personne. Oubié se trouvant ainsi maître incontesté du pays, depuis Gondar jusqu'à la mer Rouge, pouvait réunir désormais une armée inférieure en nombre, disait-on, à celle du Ras, mais redoutable à cause de la quantité de ses armes à feu. Il protestait, il est vrai, de son obédience au Ras Ali, lui envoyait des présents, mais trouvait des prétextes pour se dispenser de faire à Dabra Tabor la visite annuelle de rigueur pour tout vassal; il s'attachait à capter par ses soins et ses libéralités la Waïzoro Manann et les membres du conseil de régence; il entretenait des intelligences avec Ali Farès, le Dedjadj Conefo et d'autres feudataires de son Suzerain, et il les excitait à la rébellion contre cette maison de Gouksa qui, disait-il, finirait par réduire l'Éthiopie à l'Islamisme.
    Cependant, l'opinion que le Ras allait prendre en main son pouvoir s'accréditait; on présageait que son premier acte serait de sommer le Dedjadj Oubié de venir à Dabra Tabor, et, en cas de refus, qu'il marcherait contre lui. On parlait aussi de la défection du Dedjadj Guoscho, dont le fils Birro, Fit-worari ou général d'avant-garde du Ras, faisait déjà ombrage à son Suzerain. Cet état de choses causait une inquiétude générale, suspendait les relations de province à province, et empêchait les caravanes de trafiquants d'entreprendre des expéditions lointaines.
    Nous partîmes pour Dabra Tabor. Comme le Lik Atskou, à cause de son âge, ne pouvait voyager qu'à petites journées, nous n'y arrivâmes que le quatrième jour.
    Le village de Dabra Tabor, situé au sud de Gondar, à une distance de cette ville de 130 kilomètres environ, en raison des sinuosités de la route, prend son nom de la petite montagne du Tabor, sur le flanc de laquelle il est assis. Les prédécesseurs d'Ali avaient choisi cette localité à cause de sa position centrale et avantageuse au point de vue militaire, et à cause de l'abondance de ses pacages, de sa chasse et de l'agréable fraîcheur de sa température. En y rentrant, après leurs expéditions toujours heureuses, ils congédiaient leurs grands feudataires et y tenaient leur cour avec une garde qui variait, selon les éventualités, de deux à dix mille hommes. Le Ras Ali affectionnait Dabra-Tabor et y séjournait tout le temps qu'il n'était pas en campagne. La grande plaine située au pied de la montagne lui servait à jouer au mail et au djerid ou jeu de cannes, à essayer ses chevaux et à passer ses revues, lorsque, selon l'usage, à la Maskal ou fête de l'Invention de la Croix, tous ses

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