Douze
leur courage et étaient maintenant debout, débattant de ce qu’il fallait faire ensuite. À notre arrivée – à l’arrivée de Zmiéïévitch –, ils se sont une fois de plus jetés au sol et recroquevillés. Zmiéïévitch ne leur a pas accordé la moindre attention. Nous nous sommes assis à quelque distance d’eux et avons parlé.
» La fascination a surmonté aussi bien la peur que les bonnes manières, et je lui ai posé directement la question la plus évidente :
» — Qu’êtes-vous donc ?
» — Vous êtes russe, m’a-t-il dit. Vous allez donc comprendre ces choses. Nous sommes des vampires, voordalaki , dans votre langue.
» Je n’ai pas eu besoin d’exprimer ma surprise.
» — Et nous sommes des patriotes, a-t-il poursuivi.
» — Vous êtes tous valaques ? lui ai-je demandé.
» — La plupart, pour le moment ; quelques-uns viennent de Moldavie. Nous sommes un groupe en perpétuel renouvellement — sauf en ce qui concerne le meneur, a-t-il ajouté avec un léger salut. Mais, pour le moment, nous sommes tous… des environs.
» À ce stade, ses camarades avaient commencé à émerger de la forêt. À dix, il formait un groupe bas et recroquevillé, pas très différent de la formation de mes propres camarades valaques, mais il y avait quelque chose en leur sein qui attirait l’attention de ce nouveau groupe. Je ne pouvais que trop bien deviner ce que c’était.
» — Ils ne vous ressemblent pas tous, ai-je dit.
» — Et ils ne vous ressemblent pas tous, a-t-il répondu avec un signe de la main en direction des Valaques. Il y a différentes classes d’hommes dans toute société. (Il se retourna pour me faire face directement.) Et c’est pourquoi c’est un privilège si rare que de siéger ici et de parler avec vous.
» — Je présume donc que vous nous avez vus au château, ai-je dit.
» — C’est exact, mais je savais déjà que vous étiez ici et ce que nous ferions.
» — Et vous vivez là depuis quatre cents ans ?
» — Pas tout à fait encore, a-t-il répondu avec un sourire nostalgique qui lui seyait à peine, mais ce sera bientôt le cas.
» — Et les autres – sont-ils tous aussi âgés ?
» — Oh, non, a-t-il répondu avec mépris. Atteindre mon âge exige de l’habileté, de l’intelligence, de la prévoyance. Ce ne sont pas les capacités que l’on trouve — ou que l’on recherche — chez un fantassin. Ils sont plus vieux que vous, c’est un fait, mais pas tant que cela.
» — Et vous les avez créés ? ai-je demandé. Vous en avez fait des vampires, je veux dire ?
» — De nouveau, non. Qui pourrait être fier de revendiquer de telles créatures comme ses fils ? Ils tendent à se perpétuer eux-mêmes. À l’occasion, un étranger peut se joindre à nous, un vampire ayant eu vent de notre renom. En général, ils sont les bienvenus.
» L’un des Valaques – celui qui était allé jusqu’à la porte du château — s’était avancé furtivement vers le groupe de vampires, essayant de voir ce qu’ils étaient. Lorsqu’il s’est approché, l’un d’eux s’est retourné et a bondi. En quelques secondes, le Valaque a été immobilisé au sol, deux autres s’accroupissant au-dessus de lui. Zmiéïévitch a crié dans leur direction et ils se sont interrompus pour l’observer. Il a de nouveau crié et ils sont retournés vers la bande avec réticence. Je pouvais presque voir leur queue entre leurs jambes.
» Zmiéïévitch et moi avons parlé plus longuement, mais j’ai remarqué qu’il était distrait, jetant des coups d’œil vers l’endroit où ses acolytes terminaient les restes de divers cadavres turcs qu’ils traînaient hors des bois. C’est à sa suggestion que nous avons décidé de travailler ensemble, au moins pour repousser les Turcs en dehors de sa région des Carpates. Nous devions travailler d’une façon très similaire à ce que nous avions décidé de mettre en place à Moscou : nous serions chargés d’explorer pendant la journée pour localiser les Turcs et ensuite ils interviendraient la nuit pour les détruire. Il a dit qu’il n’aurait aucune difficulté à nous trouver dans les montagnes. Il est même allé expliquer notre plan aux six Valaques survivants.
» — Et maintenant l’aube approche, je vous prie de nous excuser, m’a-t-il dit lorsqu’il est revenu de sa discussion avec eux. Mais tout d’abord, puis-je emprunter votre sabre ?
» Je le lui ai tendu, ne sachant quel usage il pouvait
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