Douze
la route par laquelle nous étions arrivés. Mon plan avait été d’essayer de faire usage du château, mais, même s’il avait les caractéristiques requises pour en faire une position de force, je n’étais pas d’humeur à y rester seul. Je les ai rapidement rattrapés.
» Notre retour a été bien plus rapide que la montée vers le château. J’aurais pu me perdre, mais les autres n’ont eu aucune difficulté à retrouver le campement. Ceux qui y étaient restés avaient sombré dans un silence fataliste et nous n’eûmes pas besoin de prononcer le moindre mot pour que l’échec de notre mission soit clair. Aussi ridicule que cela m’ait paru, autant avant notre départ qu’après notre retour, je m’étais presque attendu à voir leur sauveur émerger du château et venir à notre secours.
» Les Turcs étaient bien plus proches maintenant et, bientôt, nous ne verrions pas seulement leurs torches. Nous pourrions entendre les cris qu’ils échangeraient lorsqu’ils se déploieraient pour nous encercler. Nous savions que le moment était proche. Je me suis levé, les autres m’ont imité. J’étais armé d’un mousquet, d’un pistolet et d’une épée. Certains avaient des épées, certains seulement des couteaux. À travers les arbres, je pouvais maintenant commencer à distinguer les silhouettes des hommes, chacun dans une flaque de lumière projetée par sa propre torche. Et c’est alors que nous avons entendu le son.
» Ce n’était pas un bruit inconnu — le bruit des sabots de chevaux au galop — mais, sur ce flanc de montagne froid et stérile, il était incongru. Les Valaques qui m’accompagnaient étaient aussi perplexes que moi quant à sa cause, mais il est rapidement devenu évident qu’il venait de derrière nous – de plus haut sur la montagne — et qu’il se rapprochait.
» Les Turcs ne l’avaient pas entendu, ou ne s’en préoccupaient pas, et ils continuaient à avancer. Ils étaient maintenant à portée de fusil. Des coups de feu sont partis et deux hommes à mes côtés sont tombés. J’ai répliqué avec mon mousquet et j’en ai abattu un. Pendant ce temps, le bruit de sabots est devenu de plus en plus retentissant. Je me suis retourné pour voir ce qui en était la cause, mais il n’y avait toujours rien. Les Turcs étaient bien armés et ils n’avaient pas besoin de nous engager à mains nues. Ils s’étaient arrêtés et commençaient à nous abattre avec leurs mousquets. Un Valaque devant moi a été touché et il est retombé sur moi, me renversant au passage. Je me suis contorsionné et j’étais face au sommet de la montagne au moment où les cavaliers ont bondi dans mon champ de vision.
» Zmiéïévitch était en tête, franchissant la crête qui avait caché son approche juchée sur un étalon blanc. Il était terrifiant, les yeux remplis d’un désir haineux et les crocs dénudés. Immédiatement à sa suite en venaient dix autres, des Opritchniki comme nous les appelons, des vampires d’une caste inférieure à celle de Zmiéïévitch. Ils sont passés devant les Valaques – et, pour certains, par-dessus – et sont descendus vers les Turcs au grand galop, et je me souviens avoir remarqué que, aussi terrifiants que soient ces cavaliers, ils n’arboraient ni épée ni lance – rien avec quoi ils pourraient attaquer nos opposants comme ils chargeaient sur eux. Ce n’est que plus tard que j’ai fait le lien avec les dents de loup de Zmiéïévitch. Les Turcs eux-mêmes en ont peut-être ri. Même si ces nouveaux arrivants étaient à cheval, ils étaient largement surpassés en nombre et en armes. On ne pourrait pas s’attendre à ce que plus de deux d’entre eux parviennent de l’autre côté de l’espace découvert devant nous et pénètrent la ligne ennemie. Je n’y croyais certainement pas, mais à l’époque je ne les connaissais pas.
» La première salve de tirs turcs a traversé leurs corps, mais cela n’a pas eu le moindre effet sur leur charge. D’autres coups de fusil ont retenti, mais les Turcs n’avaient toujours pas compris. Certains ont alors commencé à en croire leurs propres yeux et ont réalisé que les balles ne pourraient rien faire pour arrêter ces créatures. Ils se sont alors mis à viser les chevaux : des bêtes de chair et de sang, qui sont rapidement tombées sous la grêle de tirs de mousquets. Mais il était trop tard. Les chevaux avaient rempli leur mission et avaient porté les vampires au
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