Douze
pas français : ils sont russes – des Russes innocents. Ces créatures ne tuent pas pour contribuer à libérer notre pays. Elles tuent pour manger, et elles dévoreront ce qu’elles trouveront en abondance.
Dimitri commença à observer autour de lui, intégrant la vérité de mes paroles. Presque sous ses pieds gisait le corps que j’avais brièvement pris pour Natalia. De sa botte, il tourna sa tête de côté de manière à ce qu’il puisse voir son visage. S’il avait soupçonné que c’était Natalia, il ne montra aucun signe de soulagement en constatant que ce n’était pas le cas. Peut-être, comme moi, réalisait-il que ç’aurait tout aussi bien pu être elle.
Derrière lui, Iouda arriva à la conclusion qu’il était en train de perdre le débat. Il fit un pas en direction de Dimitri mais, au même instant, Dimitri avança d’un pas et pénétra de mon côté de la pièce.
— Nous devons vivre, Dimitri, plaida plaintivement Piotr. Ces quelques paysans, c’était seulement pour que nous puissions survivre jusqu’à ce que nous quittions la ville.
— Et en ce qui concerne Vadim ? criai-je à Piotr.
— Vadim ? demanda Dimitri.
— Là-bas, dis-je avec un mouvement de la tête.
Piotr et Iouda ne trouvaient rien à ajouter tandis que Dimitri inspectait les restes de son commandant, camarade et ami. Il plaça une main sur le visage de Vadim et lâcha un cri de profonde tristesse. Les yeux morts de Vadim le fixaient et n’offraient aucun pardon.
Dimitri éleva son épée et commença à s’avancer vers les deux vampires qui se tenaient de l’autre côté de la pièce. Je le retins avant qu’il puisse rejoindre leur moitié.
— Vous aviez promis de vous contrôler, cette fois, dit-il, s’adressant à Piotr, qu’il connaissait depuis plus longtemps.
— Je l’ai fait, répliqua Piotr de façon ambiguë.
— Il est trop tard pour faire semblant d’être surpris, Dimitri, dit Iouda d’un ton plus déterminé. Vous avez choisi de pactiser avec le diable. Vous saviez ce que nous étions, ce que nous faisions.
Je crois que ses mots s’adressaient davantage à moi qu’à Dimitri, et j’étais d’accord avec eux. Si la mort de Russes innocents et de Vadim était une surprise pour Dimitri, il n’avait dans ce cas été dupé que par lui-même et non par les Opritchniki. On ne pourrait jamais dire de Dimitri qu’il était du genre à ne voir que le bien chez les gens mais, dans ce cas, il n’avait vu que le bénéfice pour lui, et pour son pays, qui pouvait être retiré d’une collaboration avec eux.
Toutefois, si les mots de Iouda étaient destinés à faire naître en moi de la méfiance envers Dimitri, il était également clair qu’il ne serait plus sage que Dimitri fasse confiance aux Opritchniki. Ils avaient peut-être eu de meilleures raisons de tuer Vadim ou d’essayer de me tuer, mais, s’il restait de leur côté, son heure finirait par venir.
— Je suis désolé, Alexeï, murmura Dimitri.
C’était désespérément inadéquat, mais c’était tout ce qu’il pouvait dire.
— Je crois que vous feriez mieux de partir, dis-je en m’adressant aux deux vampires.
— Partir ? dit Piotr. Pourquoi devrions-nous partir ? C’est vous qui êtes pris au piège.
C’était vrai, en apparence. Les deux portes de la pièce étaient toutes deux de leur côté. Tandis qu’ils pouvaient partir s’ils le souhaitaient, nous ne serions pas en mesure d’atteindre une sortie sans franchir la démarcation et risquer une attaque de leur part.
— Tout ce que nous avons à faire est d’attendre qu’il fasse nuit, poursuivit Piotr.
Iouda, toutefois, jetait des coups d’œil nerveux alentour vers l’étroite fenêtre, vers le rayon de lumière et vers les portes.
— Je ne sais pas, dis-je, si vous autres créatures croyez que le Soleil tourne autour de la Terre ou que la Terre tourne sur elle-même. Quoi qu’il en soit, le Soleil se déplace d’est en ouest. Et cela signifie que ce faisceau de lumière va circuler d’ouest en est – vers vous. D’ici midi, vous n’aurez plus qu’une porte par laquelle sortir. Dans le milieu de l’après-midi, vous n’en aurez plus aucune. Vous serez progressivement rabattus dans un coin, jusqu’à ce que la lumière frappe ce coin, et vous partirez alors en fumée.
À moins, bien sûr, que le temps se couvre. Je ne savais pas si la lumière indirecte d’un jour nuageux serait suffisante pour les tuer. C’est pourquoi je
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