Douze
faiblement éclairée par la lampe. Les trois vampires se tenaient autour de moi : deux d’entre eux totalement impassibles devant la futilité de mon action, et Iouda, un léger sourire moqueur aux lèvres. Je me retournai vers la fenêtre pour constater que, derrière les rideaux, elle avait été condamnée avec les lattes de parquet prises à l’étage du dessous. À travers les fentes occasionnelles, je pouvais voir qu’il faisait tout juste jour à l’extérieur, mais trop peu de lumière parvenait à pénétrer à l’intérieur pour causer le moindre dommage à mes ravisseurs.
En des temps plus heureux, les soirées tenues dans une maison comme celle-ci pouvaient s’être poursuivies loin dans la nuit, jusqu’au lendemain matin. Parfois, l’hôte zélé s’assurait que les fenêtres soient fermées par des volets et les horloges arrêtées afin qu’aucun invité ne se rende compte que l’aube s’était levée et ne ruine l’ambiance en considérant qu’il puisse être l’heure de partir. Mes hôtes – les nouveaux occupants morts-vivants de cette maison – avaient un désir similaire de masquer la lumière du jour nouveau, mais avec des motivations très différentes.
D’un petit coup de tête, Iouda indiqua au soldat que je devais être de nouveau maintenu fermement. Le soldat me repoussa contre le mur et m’y plaqua énergiquement de la main.
— Alors, dis-je, sentant le découragement me submerger après ma tentative manquée. Je suppose que vous allez me tuer, maintenant.
Il s’ensuivit une brève conversation entre Iouda et Andreï dans leur propre langue. Je crois que Iouda voulait me voir mourir ici et maintenant, mais Andreï n’était pas d’accord. Il mentionna Piotr à diverses reprises. Il était étrange qu’ils parlent de lui en utilisant ce prénom même entre eux. Ne connaissaient-ils pas son véritable nom, ou poussaient-ils la prudence à son extrême, s’assurant que personne ne puisse jamais découvrir qui ils étaient et utiliser cette information pour les pourchasser ? De leur discussion, je déduisis qu’ils attendaient l’arrivée de Piotr. Tout retard me permettait de profiter de la vie un instant de plus, et de réfléchir à une façon de m’échapper.
— Vous allez être un peu à l’étroit si vous devez tous les trois dormir dans cet unique cercueil, n’est-ce pas ? dis-je.
Iouda se détourna de sa conversation avec Andreï pour me répondre. Ma tentative d’évasion semblait avoir expulsé de lui toute bonne humeur. Il était maintenant tout à fait méprisant.
— Nous n’avons pas besoin de cercueils pour dormir, pas plus que vous avez besoin de lits. Comment croyez-vous que nous avons passé toutes ces journées dehors sur la route de Smolensk ?
C’était une bonne question.
— Comment avez-vous fait ? demandai-je.
— Nous creusions tout simplement un trou et nous nous y enterrions. Tout ce dont nous avons besoin, c’est de bloquer le soleil. Le trou n’a pas besoin d’être très profond.
Avant que j’aie pu répondre, nous entendîmes un bruit de pas montant l’escalier. La porte donnant sur le palier s’ouvrit et Piotr entra. Il fut rapidement suivi, à ma grande consternation, de Dimitri.
Piotr et Iouda se mirent à parler furtivement dans leur propre langue. Dimitri s’adressa directement à moi.
— Tu n’aurais pas dû les tuer, Alexeï. Je sais que nous ne pouvions pas aider Ioann, mais Matfeï et Varfolomeï, c’était tout simplement meurtrier.
— J’imagine que tu leur as dit, au sujet de Matfeï et Varfolomeï, dis-je.
— Je leur ai dit que tu avais suivi Matfeï. Ils savaient qu’il était mort. Il était facile d’en tirer des conclusions.
— Comment Piotr est-il arrivé ici ? demandai-je. Il fait jour dehors, n’est-ce pas ?
— Nous sommes venus sous terre. Les égouts passent juste sous cette rue. Avec un peu de travail, tu peux entrer dans n’importe laquelle des caves. Il fait nuit noire en bas.
— Je suppose qu’ils sont d’accord pour épargner ta vie, dis-je amèrement.
— Et la tienne, Alexeï. Ils n’ont pas de querelle avec nous. Ils comprennent que tu les aies tués. Si nous t’avions dit la vérité dès le départ, tu n’aurais pas réagi de façon exagérée.
Il était totalement dupe ; dupe de ses propres arguments autant que de ceux des Opritchniki, au point de croire que, parce que leur cause – notre cause – était juste, ils étaient eux-mêmes vertueux ; dupe
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