Douze
en était couverte. Comme Dimitri l’avait dit, les Opritchniki étaient des combattants impitoyables. M’étudiant moi-même, je vis des taches de sang sur la manche de mon manteau. Je vérifiai mon corps, mais ne trouvai pas la moindre blessure suggérant que le sang m’appartienne. Il n’y avait aucun cadavre étendu alentour – ni Français ni Opritchniki. Il me fallait savoir qui avait gagné la bataille. Si les Français avaient gagné, j’aurais certainement été tué ou, du moins, fait prisonnier. Mais si les Opritchniki avaient gagné, pourquoi m’auraient-ils laissé ici ? D’un autre côté, les Opritchniki n’avaient depuis le début pas été le moins du monde enthousiastes à l’idée de nous avoir avec eux : cette confrontation avait peut-être fait leur jeu. J’étais seul et, à l’heure qu’il était, ils pouvaient être à des verstes de là.
Je me levai, tentant d’ignorer mon mal de crâne. Les taches de sang et les traces laissées dans l’herbe indiquaient que les corps avaient été traînés ailleurs. Je les suivis aussi loin que je pus, jusque dans un bosquet voisin, mais les taches de sang s’évanouirent bientôt et les marques des corps traînés devinrent impossibles à distinguer sur le sol irrégulier. Je revins à l’endroit où le combat avait eu lieu.
Mon épée et ma lunette gisaient à côté d’un tronc d’arbre. Cela ne pouvait pas être l’endroit où je les avais laissé tomber et je ne pus que conclure que quelqu’un les avait déposés là délibérément. C’était aussi plus probablement le comportement d’un Opritchnik que d’un Français.
Je jetai un regard en direction du camp que nous étions en train d’espionner la nuit précédente. Les cendres des feux fumaient encore, mais tout signe des Français eux-mêmes avait disparu. Ils étaient sûrement déjà à Gzatsk.
Il ne me restait qu’une seule option : le regroupement. Avec cet objectif en tête, je pris conscience d’un autre problème : mon cheval avait disparu. À cet instant, j’en étais à peu près arrivé à la conclusion que c’étaient les Opritchniki qui avaient gagné le conflit de la nuit précédente et qui avaient donc pris mon cheval ; laissé mon épée, mais pris mon cheval. Malheureusement, tout cela semblait concorder. Avec une épée, je pouvais encore me défendre mais, sans cheval, il n’y avait que peu de chances pour que je puisse les rattraper et interférer dans leurs affaires. Il était toujours difficile, néanmoins, de comprendre la raison pour laquelle ils voulaient être débarrassés de moi. Visiblement, ils étaient immensément doués en combat rapproché, mais je n’étais quand même pas inutile au point d’être une entrave. Il y avait quelque chose à leur sujet qu’ils voulaient nous cacher. Quelque méthode de lutte secrète qui était si efficace qu’ils devaient la garder pour eux. Et, pour autant que je puisse le deviner, Dimitri savait de quoi il s’agissait.
Même ainsi, il n’y avait pas grand-chose à gagner à rester là à m’inquiéter. J’avais un long trajet de retour à l’est devant moi, seul et à pied.
Le premier problème que j’eus à gérer était que notre lieu de rendez-vous suivant (décidé sur la base de l’hypothèse que les Français continueraient à avancer, ce qui était le cas) se trouvait à Goriatchkino, au nord de la route principale menant de Smolensk à Moscou – la route même sur laquelle Bonaparte et son armée étaient en ce moment en train de progresser, et au sud de laquelle je me trouvais actuellement. Je disposais de deux options. Je pouvais me diriger vers l’est aussi rapidement que possible puis couper à travers la route en avant des Français, ou je pouvais traverser la route à l’ouest de Gzatsk, derrière les Français, en espérant échapper à leur arrière-garde, puis, à partir de là, filer vers l’est.
Prendre une route qui me conduirait loin derrière les lignes françaises ne me semblait pas la meilleure solution pour rejoindre mes compatriotes, je choisis donc la route la plus directe, en direction de l’est, au sud de la route de Moscou. Cela s’est avéré le bon choix. Bonaparte stationna son armée à Gzatsk pendant trois jours et la route n’était pas encore tombée entre les mains des Français. J’aurais pu, de fait, être moins frileux lorsque je gardai mes distances avec la route, ralentissant ainsi ma progression.
La première journée de mon
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