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Druides et Chamanes

Druides et Chamanes

Titel: Druides et Chamanes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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nue, et se glisse sournoisement dans le lit de Cûchulainn. Celui-ci « était grandement ennuyé. Il étendit sa main valide vers la fille et rencontra un doigt de celle-ci, de sorte qu’en la repoussant, il tira sa peau et sa chair et qu’il la blessa et marqua rudement ». La fille proteste et menace Cûchulainn d’un geis de destruction parce qu’il l’a blessée sans raison. Elle ne consent à lui pardonner que s’il accepte qu’elle dorme auprès de lui cette nuit-là. Cûchulainn persiste dans son refus. Alors, Uatach lui promet qu’il obtiendra de sa mère les « trois tours » qui feront de lui le guerrier le plus redoutable qui soit au monde {122} .
    Sur cette promesse, le jeune homme accepte de passer la nuit avec la fille de Scatach. Le récit est muet sur ce qui se passe alors, mais au matin, la fille lui révèle comment il doit agir pour obtenir les secrets de sa mère. Cûchulainn s’arrange alors pour surprendre Scatach à un moment où elle est sans armes. Il lève son épée sur elle, la menaçant de « mort et destruction ». Scatach, en grand danger, accepte les conditions de son « élève » : « les trois tours que tu n’as jamais appris à personne avant moi, ta fille, et aussi l’amitié de tes cuisses  ».
    Ainsi s’éclaire le caractère de l’initiation reçue chez les femmes guerrières : il s’agit d’une initiation sexuelle et magique tout autant que guerrière proprement dite. On sait que, de tout temps, la guerre et la sexualité sont liées, mais dans cet épisode, le lien apparaît très clairement. Cûchulainn a déjà reçu chez Dordmair les premiers éléments de cette initiation, mais il a besoin d’en savoir plus, car il a repoussé les avances de cette Dordmair {123} . Il faut donc que l’initiation soit complétée par une relation sexuelle entre la « Maîtresse » et le disciple. Mais cette relation n’est pas unique : celle qui s’établit entre Cûchulainn et Uatach ne peut en aucun cas exclure la relation entre lui-même et Scatach. D’ailleurs, les noms de la « Maîtresse » et de sa fille sont significatifs : le jeune homme subit ici une initiation terrible puisque telle est la signification du nom de Uatach, mais également qui fait peur (sens du nom de Scatach). Enfin, la relation avec la fille est un mariage « annuel », c’est-à-dire un concubinage légal mais temporaire, selon la coutume celtique, qui ne dispense pas de relations sexuelles épisodiques avec une autre femme.
    Cet aspect particulier de l’initiation guerrière, magique et sexuelle s’explique par le rôle que joue la femme dans l’ idéologie celtique. Comme dans d’autres textes irlandais, en particulier La Poursuite de Diarmaid et Grainné , gallois ( Histoire de Taliesin ), ou même français d’inspiration celtique ( Tristan et Yseult ), la femme apparaît comme transformatrice d’énergie, celle qui absorbe la force virile et la restitue ensuite en donnant le jour à l’enfant. Mais si le phénomène de la parturition trouve ainsi sa justification sur le plan physiologique, il a une autre signification dans un domaine qu’on a rarement abordé dans le monde gréco-romain, et presque jamais dans le monde chrétien, le concept du coitus reservatus , bien connu des pratiques du tantrisme oriental, mais suspect et même « diabolisé » en Occident. Autrement dit, la relation sexuelle entre un homme et une femme n’est pas forcément un acte de procréation, un acte de création d’un troisième être qui prolongerait les deux autres, mais la transformation de l’amant dans la plénitude de l’amour affectif , à la fois sentimental et charnel. La femme qui « se donne » ne donne pas son être, mais la composante orgastique suscitée par l’homme et qu’elle partage avec lui. Donc, elle transforme l’homme en lui renvoyant une part de son énergie, déjà transformée , et elle se transforme elle-même puisqu’elle bénéficie de la même composante à laquelle elle a procuré son énergie féminine. C’est donc dans cette optique qu’il faut examiner l’initiation de Cûchulainn, depuis qu’il a franchi le pont qui le séparait de l’Autre Monde.
    Donc, Scatach, sous l’obligation de son serment, révèle les trois prouesses et, « la nuit suivante, Cûchulainn eut la fête de la main et du lit avec la fille, et, en plus, l’amitié des cuisses de la mère ». Il reste alors une année entière chez les deux femmes où il

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