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Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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Bourgogne
pour aller vivement tirailler la manche de son frère.
    — Tu l’étouffes, madame Belle. C’est à moi
maintenant.
    En l’apercevant, Charles éclata de rire et lâcha
enfin la reine. Il souleva sa petite sœur à bout de bras :
    — Catherine, qu’il m’est doux de te revoir !
    Elle cria de joie, et rit de chatouilles alors qu’il
la baisait un peu partout. Elle le prit par le cou et se blottit contre lui.
    — Tu sens le cheval, gloussa-t-elle, riant
toujours.
    Une forte odeur de suint et de bourbe s’était
engouffrée dans la salle avec l’escorte et le disputait à présent à celle des
épices et du vin chaud.
    — Je t’ai rapporté à plaisir des cadeaux de
Flandre. Ils ont les plus beaux jouets du monde, répondit Charles à Catherine.
    — Tu me les donnes ?
    — Il faudra attendre le charroi, madame l’impatiente.
    Gardant l’enfant ravie dans ses bras, il salua sa famille :
Marguerite de Bourgogne, son oncle de Berry, son cousin de Montpensier, et son
frère d’Orléans.
    Les genoux commençaient à s’ankyloser sur le froid
dallage. Une voix à la sonorité d’airain résonna suffisamment fort pour faire
tourner les têtes :
    — Par Dieu, la France n’était-elle faite que
de culs-de-jatte qu’elle rampe ainsi à plaisir à ras de chausses ?
    Cette apostrophe, digne d’un fou de cour, émanait
pourtant d’un religieux, au froc déguenillé. Sa solide personne se tenait avec
les chevaliers, auprès du chapelain royal, qui semblait à ses côtés tout
rabougri, encapuchonné dans son aumusse. La vigoureuse présence de ce moine
haillonneux semblait sucer toute l’énergie de Pierre de Foissy.
    — Taisez-vous, Jean la Grâce, grogna ce
dernier d’une voix lasse et chargée de haine.
    Charles VI, qui avait rendu la princesse de
France à la duchesse de Bourgogne, présenta son poing à Isabelle. Elle s’était
recomposé une attitude, mais ne put réprimer un frisson de répulsion en posant
sa main sur ce poing qui l’avait si fort meurtrie.
    Le roi et la reine gravirent ensemble les trois
marches de l’estrade. Enfin, faisant face à l’assemblée, Charles VI libéra
ses courtisans d’un signe.
    — Que Dieu vous ait en Sa sainte garde !
    Le tumulte emplit aussitôt la salle alors que
chacun se remettait sur ses pieds. Le roi étendit les bras, imposant le silence.
    — Mon cœur est empli d’allégresse à vous
revoir. Et plus encore, à revoir ma reine, si noble et si belle.
    Il est vrai qu’elle était belle, sa taille fine
bien prise dans un pelisson montant, à larges manches relevées d’écureuil. Sa
tête, embrumée de mousseline bleutée, était enserrée d’une coiffe à doubles
bourrelets en forme de pétale, recouverte d’une résille enrichie de grains d’or
et de gouttes de cristal. Des vagues de perles irisées retombaient sur son
admirable front bombé, hautement dégagé.
    — En présence de cette noble assemblée, reprit
le roi avec apparat, je veux donner le plus grand gage d’amour qu’un chevalier
en courtoisie puisse donner à sa gente dame.
    Le roi se recula à deux pas de la reine qui le
regardait faire avec ébahissement, et tira son épée du fourreau. Il prit
Esfoldre par l’extrémité de la lame, et la dressa avec solennité vers le ciel
jusqu’à bout de bras. Lors des sacres, Joyeuse, l’épée mythique de Charlemagne,
était ainsi dressée devant les rois de France, mais pointe au ciel. Charles VI
semblait en vouloir travestir le rite sacré.
    Les joyaux du bracelet qui reposait sur les
quillons d’Esfoldre étincelèrent, alors que le jeune souverain lançait d’une
voix vibrante, à la manière d’un histrion :
    — Je rends grâce à Dieu qu’il m’ait donné
victoire que je dépose, ma très honorée dame, à vos pieds !
    Il mit les deux genoux à terre, tenant toujours l’épée
haut levée en équilibre, comme un jongleur de foire.
    — Devant Dieu et cette assemblée, je remets, madame,
cette épée victorieuse entre vos mains. De me la rendre au jour décidé par vous
aura grande signifiance.
    Isabelle était éperdue, le roi venait de lui
confirmer son serment. Elle se souvint d’avoir réclamé l’épée de l’ asag au soir de ses noces. Esfoldre était l’épée de l’ asag, celle qui, suivant
les règles de la fin’amor, confinait l’amant dans la chasteté jusqu’à
libre consentement de sa dame de cœur. Une vague de chaleur fit flamber son
visage : elle restait tout à

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