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Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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pénombre l’engloutit. Elle ralentit, prise
de la soudaine angoisse d’être incapable de retrouver son chemin. Allait-elle
devoir se laisser reconduire par son exécrable hôtesse ?
    Et les incantations reprirent, stridentes, déchirantes,
la clouant définitivement sur place. Thadée n’en avait pas fini avec ses
malédictions.
    — Si le sang Isabelle n’a pas, qu’il se
retourne au chef du suborneur, et sa tête en dedans gonfle et noue et rompt, et
qu’il en demeure hors de sens. Chaos, chaos, chaos ! Que le sang se
retourne et se déverse à flots en royaume hérétique. Et le frère versera le
sang de son frère. Et le fils reniera la mère, et la mère reniera le fils. Chaos,
chaos, chaos !
    La voix était aiguë, sauvage. Jeanne de Brabant
préféra se perdre dans les profondeurs glacées du vieux château que se damner à
écouter les envoûtements démoniaques de la Visconti. Elle s’enfonça résolument
dans l’ombre du couloir. Les imprécations diaboliques de Thadée ne cessaient de
résonner dans sa tête : « Si le sang Isabelle n’a pas, qu’il se
retourne aux veines du parjure, et la veine inférieure gonfle et noue et rompt. »
    Une veine palpita sur sa jambe gauche.
    *
    Le soleil d’hiver pénétrait généreusement dans le
colombier par de larges baies tendues de filets. L’air était saturé de plumes
et de duvets, de l’odeur âcre des fientes. Ce n’était que roucoulements, pépiements,
cancanements dans une agitation fébrile, giflée de grandes envolées d’ailes
déployées, tandis qu’Étienne distribuait du grain. Les oiseaux d’Isabelle
avaient ici leurs quartiers d’hiver. Au printemps, certains seraient lâchés, d’autres
maintenus en cages dans les jardins.
    Le château de Ludwigsburg possédait la plus belle
collection d’oiseaux d’Europe. Certaines espèces venaient de mondes lointains, apportés
en présent par de nobles voyageurs. Héritant des goûts de son père, l’élevage
des oiseaux était devenu la passion d’Isabelle.
    Aigles fauves, grands ducs et blanches colombes
frayaient avec les oiseaux exotiques aux couleurs flamboyantes, argus mythiques,
calaos, pies de paradis, cacatoès à huppe rose, perruches cancanières. Et les
passereaux communs, aux humeurs bruyantes et batailleuses, se glissaient par
les mailles des filets, profitant ici de la manne généreusement distribuée. Autan
l’épervier avait été élevé au colombier comme tant d’autres.
    Le majestueux paon blanc vint picorer le pain que
lui tendait Frédéric. Il semblait conscient que sa rareté le protégeait des
hommes et de leur tournebroche.
    — Parlons net, lança Étienne brusquement, parlons
dot. Qu’en espère-t-on ?
    Nous y voilà enfin, pensa son frère. « Cédez
en tout point, lui avait recommandé le duc de Bourgogne, et prenez-la sans
dot. L’avarice du duc de Bavière n’y résistera pas ! »
    — Rien, laissa tomber Frédéric.
    Étienne en resta sans voix.
    — Le roi prend Isabelle sans dot, confirma
Frédéric en jetant le reste du pain au paon qui le dédaigna, l’abandonnant à
une bande de moineaux qui s’y rua sauvagement.
    La pingrerie d’Étienne l’emporta. Il prit le temps
d’enfiler des gants de cuir épais et de prendre un morceau de viande d’une
gibecière qu’il avait apportée. Aussitôt, un superbe faucon se percha sur son
poing, et se mit à dépecer la chair.
    — Cela me sera-t-il certifié par contrat ?
demanda-t-il, méfiant.
    — Cela le sera, le rassura son jeune frère
qui avait hâte d’en finir, tant cette concentration de plumes commençait à l’indisposer.
Le nom et le noble lignage d’Isabelle suffiront à la reine de France.
    — Tout beau, tout beau ! Reine de France,
ce n’est pas encore fait. On sait le jeune roi bien fol. On sait qu’il désire
se marier selon son bon plaisir. N’est-ce point vrai ?
    — Charles souhaite une épouse suivant son
inclination. C’est une garantie supplémentaire, allégua Frédéric. D’ailleurs, ne
souhaite-t-il pas déjà la rencontrer au plus tôt, tant il a été séduit par le
portrait du médaillon que vous lui avez fait tenir ?
    — Certes, certes, mais si, malgré tout, à la
voir en chair et en os, il ne la trouvait pas à sa convenance… Isabelle nous
serait renvoyée humiliée et déshonorée.
    — Non pas, gentil frère, Philippe le Hardi
connaît son neveu, il a pris toutes les précautions qui s’imposent. En juillet,
il y a grand

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