Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
Vom Netzwerk:
pèlerinage en la cathédrale d’Amiens où est tenue en châsse la
tête de saint Jean-Baptiste. Je conduirai Isabelle adorer la relique sous la
protection de mon armée. Le roi y sera également pour y faire ses dévotions. Ainsi,
se rencontreront-ils par hasard, et s’ils se plaisent, alors seulement, nous
parlerons officiellement de mariage.
    Étienne restait perplexe. Il abandonna le morceau
de viande au faucon qui s’envola dans les hauteurs de la tour avec son butin, et
se mit à marcher en silence, les mains nouées dans le dos, écrasant de ses
chausses fourrées la paille fraîche qui jonchait le dallage. Enfin, il se
planta devant son frère.
    — Qui saura ?
    — Le roi, bien sûr, la dame de Brabant
et le duc de Bourgogne qui accompagnera son beau neveu à Saint-Jean d’Amiens,
répondit Frédéric, en chassant négligemment une tourterelle posée sur son
épaule.
    — Isabelle… ?
    — … N’en saura rien.
    Étienne restait figé devant Frédéric, le regard
lointain, cherchant quelques raisons à différer encore sa décision. Il pensa
que si sa fille était bien pourvue de doctrine et connaissait le latin, elle n’avait
guère été initiée aux usages du protocole.
    — Elle est sans manières, dit-il enfin.
    — On se fait fort de lui en donner. Madame la
duchesse de Bourgogne, Marguerite de Flandre, nous attendra à
Bruxelles où nous ferons étape. Avec la duchesse de Brabant, elles feront
de notre sauvageonne une ravissante courtisane.
    — Je vois que tout a été prévu, répliqua Étienne
d’un air sombre.
    Enfin, comme l’épervier Autan, il prit soudain son
parti et abattit une main crochetée sur l’épaule de son cadet.
    — Beau frère, je vous confie mon enfant avec
crainte. Sachez que, si vous me la ramenez, vous n’aurez jamais de plus grand
ennemi que moi.
    *
    Une échauffourée de plumes blanches, et une tache
de sang s’élargit sur le glacis immaculé. Autan tenait fermement dans ses
serres une perdrix des neiges toute palpitante. D’un coup de son bec, il lui
ouvrit la tête, friand de la cervelle encore chaude, et qui lui revenait en
juste récompense.
    Isabelle avait réprimé un cri de joie pour ne pas
courroucer Autan. Elle sauta de sa monture en ôtant ses gants, et s’approcha
doucement. Louis regardait du haut de son destrier, sans piper mot. L’instant
était encore crucial, il fallait qu’Autan se laisse dérober sa chasse. Isabelle
se devait d’aller à lui en se gardant de tout empressement à se saisir de la
proie ; puis doucement, sortant griffe après griffe, sans l’irriter, d’obtenir
de l’épervier qu’il lui abandonne sa prise.
    Enfin, elle se redressa et brandit la perdrix qu’elle
lança à son frère avec un sourire de triomphe. Elle remit son gant gauche et tendit
le poing. Autan, docile, revint s’y percher. Isabelle frôla de ses lèvres la
tête de l’oiseau prédateur, et comme elle lui chuchotait des mots d’amour, il
clignota des paupières, abaissa le cou, écarta ses ailes puissantes comme s’il
faisait la révérence à sa petite maîtresse.
    — Autan n’est-il pas le plus brave des
éperviers que j’aie élevés ? demanda Isabelle à son frère d’un sourire
radieux.
    — Ah, petite sœur, tu dompterais un fauve, lui
répondit-il en éclatant de rire.
    La cloche sonnait à la chapelle du château de
Ludwigsburg. On les appelait. Le destin de la jeune princesse de Bavière
venait d’y être arrêté. Avec comme seule protection les terribles malédictions
de sa mère, c’est sans dot et sans apanage qu’elle allait devoir partir pour
affronter bien d’autres fauves.

3
Amiens
    Mauvais présages.
    Une vache a mis bas un veau monstrueux qui, ayant la
forme d’un animal à deux têtes, avait trois yeux et deux langues séparées dans
sa gueule fourchue. Pendant huit jours, on vit jour et nuit un globe de feu
brillant voltiger de porte en porte au-dessus de la ville de Paris sans aucune
agitation de vent, sans éclair et sans bruit de tonnerre.
    D’après la Chronique du religieux de Saint-Denys
    Partie à tierce, après la grand-messe, du petit
prieuré de Rivery où la suite bavaroise avait passé la nuit, Isabelle n’était
arrivée qu’à basses vêpres, deux heures avant le coucher du soleil, dans les
appartements qui lui étaient réservés dans l’Hôtel des ducs de Bourgogne à
Amiens, le samedi 25 juillet 1385.
    Le cortège, allégé du gros de l’ost du duc
Frédéric laissé en

Weitere Kostenlose Bücher