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Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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vol.
    — Tiens ! File, et que nul ne te revoie
jamais.
    Suzanne salua et sortit en toute hâte, en
soutenant son gros ventre.
    — Ainsi ce Jean la Grâce, confesseur de la
reine, s’est mis en colère ? exulta Craon. C’est une fureur qui en dit
beaucoup…
    Louis s’était écroulé sur une banquette, son verre
à la main, et ne répondit que par une éructation pitoyable.
    — Tu voulais une preuve de plus, Orléans ?
Tu l’as, de la bouche même de la reine.
    Le visage de Louis s’affaissait sur sa poitrine.
    — Je ne comprends rien, te dis-je, balbutia-t-il.
    — Il louche ! Il louche. Et il a ses
yeux, insista le sire de Sablé en s’approchant du prince, le forçant à
lever la tête.
    Le regardant bien en face, il se pinça l’arête du
nez, les pupilles convergeant vers ses doigts.
    — Il louche et il a ses yeux !
    Dans les brumes de l’alcool, Louis revit le regard
de Bois-Bourdon et ce léger strabisme, quand il fixait durement, qui lui
donnait ce regard parfois terrible. Que ne l’avait-il jamais remarqué ? Ainsi,
c’était cela qui le mettait si mal à l’aise parfois ? Le sire de Graville
louchait.
    Craon insistait encore, parlant lentement, ses
mots affreux se frayaient un dur passage jusqu’à l’esprit brouillé du prince :
    — La reine s’est trahie, je savais qu’elle se
trahirait. Le Dauphin est un bâtard de Graville !
    — Alors il va falloir que l’on s’en
débarrasse ! marmonna Louis dans un dernier borborygme.
    Et il s’endormit d’un coup.
    *
    À une heure des laudes, cette même nuit, des
hurlements horribles réveillèrent toute la maison de la reine.
    Sortie de son sommeil, Isabelle demanda avec
anxiété ce qui se passait.
    — Ce n’est rien, lui dit Catherine de Fastatavin
accourue à son chevet, M me  de Montpensier a fait un
cauchemar.
    Comme les cris s’étouffaient, Isabelle se
rendormit, trop lasse pour s’inquiéter davantage.
     
    Éloignée à l’autre bout du château afin d’épargner
la jeune accouchée, Catherine l’Églantine se tordait de douleur sur un lit
hâtivement dressé ; ses plaintes étaient déchirantes, insupportables.
    — Dites-lui de ne pas me donner des coups de
couteau dans mon ventre, suppliait-elle. Dites-lui, par pitié !
    Catherine avait l’abdomen gonflé et brûlait de
fièvre. Elle fut prise de vomissements incoercibles qui convulsaient son petit
corps de spasmes atroces. Ozanne songea à lui administrer des lavements, mais
la fillette se mit à se vider, en diarrhées continuelles. Le ballet des
chambrières qui changeaient son linge était incessant. Et toute la mesnie se
mit en prière.
    La demoiselle de Louvain était désespérée de
son impuissance. La petite fille n’avait plus sa connaissance et délirait. Puis
elle se tut. Son visage de pétale se décolorait, l’Églantine se fanait. On
priait, désespérément.
    Jean la Grâce lui administra les derniers
sacrements, son corps massif secoué de sanglots.
     
    Ma sœur dans la foi,
    Je te confie à Dieu
qui t’a créée,
    Puisses-tu retourner
à Celui qui t’a mise au monde,
    Depuis la poussière
de cette terre…
     
    Les laudes se mirent à sonner, comme un glas.
    Catherine, comtesse de Montpensier, princesse
de France, rendit son âme d’enfant à Dieu. Son corps fut porté trois jours plus
tard à Saint-Denis, auprès de ses père et mère, Charles V et la reine
Jeanne de Bourbon, qui l’avaient si peu connue.
    *
    — C’était un ange, Zizka. Dieu en possède des
cohortes ; ne pouvait-il pas nous laisser celui-là ? se révolta
Isabelle.
    — Lorsque le soc de la charrue défonce le
champ et détruit la fourmilière, la fourmi peut-elle comprendre le noble
dessein du laboureur, qui sème le blé pour faire le pain ?
     
    Isabelle ne pourrait plus jamais apercevoir un
bosquet d’églantines sans pleurer la si jolie damoiselle de France.

25
Les Saints-Innocents
    Hérode fit tuer beaucoup d’enfants depuis l’âge de
deux ans, et au-dessous, à cause du Seigneur.
    Salut, ô fleurs des Martyrs, qu’à l’aurore même de
leur vie, le persécuteur du Christ a moissonné, comme la tempête brise les
roses naissantes.
    Premières victimes du Christ, tendre troupeau d’agneaux
immolés, sous l’autel, ingénus, vous jouez avec vos palmes et vos couronnes.
    Ce sont ceux qui ne se sont pas souillés avec des
femmes, car ils sont vierges.
    Ils accompagnent l’Agneau partout où il va.
    D’après l’ Hymne des

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