Eclose entre les lys
l’air dans un râle et
se reprit à respirer à petits coups précipités. Alors Laudine le remmaillota et
le recoucha. Un peu de rose était revenu aux joues du nourrisson.
Et elle se remit en prière, près du berceau, pleurant
de toute son âme, implorant la pitié du Seigneur.
*
L’incendie put être circonscrit aux écuries de la
reine qui furent entièrement détruites, et fort heureusement, tous les chevaux
étaient saufs. La fête des Fous avait tourné court et Isabelle regagna ses
appartements après s’être assurée qu’Alezane et Alcoboçanne étaient indemnes, installées
bien au chaud dans les étables d’un hôtel voisin. Elle était épuisée.
En premier lieu, elle se rendit auprès de son fils ;
il dormait.
— L’avez-vous baigné et langé ? demanda-t-elle
aux nourrices sèches.
Les trois femmes attachées au nouveau-né étaient
dites sèches car elles n’avaient pas de lait en mamelles ; elles n’avaient
pour charge que la surveillance et les soins quotidiens, Isabelle ayant décidé
de nourrir elle-même le Dauphin. Cette bizarrerie de la reine avait choqué. Rares
étaient les nobles dames qui allaitaient leurs enfants, car c’était une
astreinte de deux ans, et parfois plus. Les grands de ce monde se devaient à d’autres
obligations dues à leur rang, et la reine plus encore.
Isabelle prit son fils dans les bras. Laudine, en
réponse à sa question, lui assura que monseigneur Charles avait été baigné et
changé, comme cela devait se faire sept fois par jour. La reine voulut lui
donner le sein, mais le Dauphin le refusa ; pourtant l’heure de la tétée
était passée. Il restait somnolent, un peu rouge, un peu haletant.
« N’a-t-il pas trop chaud ? » se
demanda-t-elle en le recouchant.
Elle hésita, puis ne le recouvrit pas de sa
couette de duvet. Isabelle ne pouvait se résoudre à quitter son fils, une force
inconnue la maintenait près de la nacelle.
Cependant, il lui fallait s’apprêter pour le
souper qu’elle devait prendre en toute intimité avec le roi. Elle avait surtout
hâte de se débarrasser de sa lourde coiffure qui lui enserrait douloureusement
le crâne. Sa grande peur de l’incendie lui avait donné des élancements qui ne
lui laissaient aucun répit. Enfin, elle se retourna vers la demoiselle de Fastatavin
qui l’accompagnait.
— Reste avec lui, Catherine, je me sentirai
tranquillisée à te savoir veiller sur le Dauphin, et viens me chercher dès qu’il
criera le téton.
La chambellane, qui sentait la reine tourmentée, la
rassura d’un sourire.
— Va, lui répondit-elle, ne te soucie de rien, il
dort seulement comme un ange.
*
Isabelle se laissa aller entre les douces mains d’Ozanne
avec soulagement. À demi étendue sur un lit de repos, sa nuque reposait sur le
bourrelet de soie de la longue planche de bois poli qui servait à étriller son
interminable chevelure. La dame d’honneur ôtait les épingles et les ornements
qui alourdissaient la tête meurtrie de la reine, elle épandit la masse des
cheveux, et se mit à les brosser avec une grande douceur. La princesse de Bavière
ferma les yeux ; elle avait chassé ses femmes d’atour et chambrières, elle
avait besoin d’être seule, dans le silence.
Cette affreuse journée la laissait dans une sombre
angoisse, comme le roi, qu’elle avait quitté après vêpres abattu et morose. D’ailleurs,
songea-t-elle, depuis son retour de l’Écluse, il passait de la plus vive
excitation au plus total abattement. Il ne se consolait pas de l’échec
lamentable du Passage d’Angleterre. « Ah, bel oncle, pourquoi avez-vous
tant tardé ? Nous devrions être en Angleterre et avoir combattu ! »
avait-il dit à l’arrivée du Camus, le 14 octobre.
L’équinoxe était déjà loin, le temps avait changé,
il était exécrable. À voir de la terre les flots tempétueux, Charles avouait en
avoir eu des nausées qu’il n’avait jamais connues sur mer. « Les vagues
étaient si mauvaises, racontait-il sans cesse, que nous regardions tous en
pleurant les vaisseaux se briser les uns contre les autres. On a dû renvoyer
chez eux les gens d’armes, sans leur solde. Ceux qui devaient les payer
disaient ne plus pouvoir le faire tant l’intendance avait coûté cher à force d’attendre.
Il fut décidé que le Passage d’Angleterre se ferait de Bretagne au printemps
prochain, en moindre équipage. Alors que je sais bien, moi, que le projet est
rompu et que l’occasion
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