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Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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lèvres, là où son cuir est si doux, si fin, et lui parlait avec
douceur, lui murmurant des mots tendres à l’oreille. Les yeux dorés de la
pouliche s’écarquillaient sur une ineffable interrogation, mêlée de peur. Elle
ne comprenait pas ce qui lui arrivait, et malgré toutes les sollicitations, elle
avait résisté à se coucher sur la paille, raidie sur ses jambes frémissantes.
    Autour des oreilles de l’animal, un collier de
corail retenait un petit sachet de soie brodée reposant sur son front. Le
corail protégeait des difficultés de l’enfantement, le sachet accoucheur
contenait le bref d’une prière à sainte Marguerite, patronne des femmes en
couches. La jeune reine voulait pour Alezane tout ce qui lui était favorable. Elle
sentait son destin si lié à sa jument qu’elle avait le sentiment qu’elle
mettrait l’enfant de Bois-Bourdon au monde de la même façon qu’Alezane mettrait
bas le poulain d’Alcoboça. Elle avait également fait mander Rémy, le maître des
basses cours, qui était le meilleur bouvier de la région.
    La jument releva violemment la tête en hennissant,
échappant aux bras d’Isabelle, alors que ses flancs se contractaient avec force.
    — Doux, ma belle ! Doux, dit Rémy en
flattant la croupe d’Alezane. Il arrive, le voilà.
    Isabelle se précipita pour voir deux jambes
graciles dépassant de la vulve, dont s’échappait une effusion sanguinolente. Comme
la pouliche s’agitait trop, deux valets de ferme cramponnèrent Alezane par sa
crinière. Ozanne, qui savait Isabelle à terme, tira celle-ci par le bras.
    — Ne reste pas si près, Isabelette, Alezane
est nerveuse et pourrait te bousculer.
    Isabelle se laissa éloigner quelque peu. Catherine
la rejoignit et s’accrocha à ses jupes, les yeux avides.
    Rémy était vêtu d’un surcot de cuir sans manches. Ses
muscles saillaient, ronds et puissants. Ses bras étaient souillés jusqu’aux
coudes. Des deux mains, il saisit les jambes fragiles du poulain.
    — Allez, ma belle ! encouragea-t-il
Alezane, la prochaine fois, c’est la bonne. Quand tu pousses, je tire.
    Comme répondant à la sollicitation de l’homme, les
flancs de la jument se contractèrent à nouveau avec force. Alezane se ramassa
sur elle-même, s’arc-boutant sur ses cuisses arrière, donnant toute sa
puissance. Elle poussa un long hennissement, alors que les valets se
suspendaient à son cou pour contenir son affolement.
    Dans un flot de glaires et de sang, la tête sortit
tandis que l’homme tirait doucement, puis le corps, et enfin les jambes arrière,
et le poulain fut expulsé.
    L’homme de ferme l’accompagna dans sa chute sur la
paille.
    — Madame Belle, s’écria Catherine, il est né
habillé.
    Le poulain était presque entièrement enveloppé d’une
poche bleuâtre filetée de rouge. Rémy éclata de rire, prit une poignée de foin
et se mit à en frictionner le petit animal.
    — Voilà comment on le déshabille, fit-il en
essuyant la membrane.
    — Il ne bouge pas, il est mort, gémit la
reine.
    Au même moment, le nouveau-né agita ses jambes fines
et grêles, comme celles d’une araignée faucheuse, et secoua vivement la tête
avec un air effaré. Alors Isabelle poussa un cri de joie.
    Alezane s’était retournée, flairant doucement son
petit avec étonnement.
    — Oui, ma belle, c’est à toi. C’est une belle
pouliche que tu nous as fait là, dit Rémy, lui caressant le chanfrein.
    — C’est une pouliche, c’est une pouliche !
criait l’Églantine en battant des mains. Comment tu vas l’appeler, madame Belle ?
Dis, comment elle s’appelle ?
    — Alcoboçanne ! répondit Isabelle sans
hésiter, et Alcoboçanne est à vous, madame de Montpensier.
    Catherine en resta pétrifiée.
    — À moi ?
    — Oui ! Je te la donne. Elle sera ta
haquenée quand vous serez plus grandes toutes les deux.
    — À moi ? demanda encore la fillette.
    — Oui ! Alcoboçanne est à toi, confirma
à nouveau la reine en riant de bonheur.
    La petite figure de furet de Catherine se
contracta, et elle se jeta dans le giron d’Isabelle en sanglotant.
    — Elle est à moi, elle est à moi. Oh, mille
mercis, madame Belle.
    Ozanne, qui riait en les regardant, vit le visage
de la reine grimacer soudain, comme sous le coup d’une violente douleur. La
dame d’honneur pâlit, s’approcha et écarta doucement Catherine d’Isabelle.
    — Qu’y a-t-il, Isabelle ?
    La reine sourit en se tenant le ventre.
    — Mes

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