Eclose entre les lys
complotages, et ne s’en
inquiétait point. En outre, le fils du Hardi n’avait parlé que de « sots
puceaux », et les Marmousets, de trop grand âge, ne pouvaient y être
associés. Par conséquent, ces derniers ne pouvaient-ils pas en conclure qu’ils
avaient réussi à rester dans l’ombre ?
Si Philippe le Hardi avait été avisé que les
anciens conseillers de Charles V en étaient, il s’en serait inquiété
davantage et aurait contre-attaqué sans perdre de temps.
Ainsi donc, il ne croyait qu’à la turbulence d’une
jeunesse dorée et désœuvrée, qu’il préférait ne pas prendre au sérieux. Un
complot contre un prince de sang était un crime, le dénoncer aurait entraîné de
tels désordres qu’ils auraient compromis le départ de l’armée. Les épargner, c’était
aussi épargner les chevaliers factieux ; et toute la chevalerie était
nécessaire à Bourgogne pour faire bonne guerre au duc de Gueldre avec
ostentation.
Les Marmousets en conclurent que l’arrogance
indestructible de Philippe le Hardi et la hantise de son voyage d’Alemanie
à tout prix étaient les véritables raisons de son silence ; et ils l’espéraient
bien, celles de sa perte. Malgré tout, Montjoie Isabelle redoubla de vigilance.
Blessé dans son orgueil, impuissant à se venger, Louis
d’Orléans était venu calmer sa rancœur auprès d’Isabelle à laquelle il avait
raconté la rixe de la rue Perdue, la tournant toutefois à son avantage en
omettant certains détails par trop humiliants.
Cette nouvelle alarme avait laissé la princesse de Bavière
perplexe : ainsi, rien n’était jamais sûr, la conjuration pouvait se
retourner contre elle-même, et contre la reine, à tous moments.
De cette campagne de Gueldre, les Marmousets
voulaient en faire un désastre, mais suffirait-il à emporter le parti de son
époux contre des ducs ?… Et particulièrement contre Bourgogne, qu’il
aimait toujours comme un père ? Pour lui donner la force de prendre le
pouvoir, ne fallait-il pas que le Ciel s’en mêle encore une fois ? La
lecture du rituel des sacres lui avait donné une idée.
À Louis d’Orléans, qui ruminait auprès d’elle les
yeux clos, mains croisées derrière la tête, elle demanda doucement, en énervant
du bout des doigts le ventre d’Edelweiss :
— Dors-tu, gentil frère ?
— Certes non, je rêvasse à occire Nevers.
Isabelle s’étonnait toujours à trouver tant de
haine et de rivalité dans les familles princières, mais là n’était pas son
affaire.
— Te souviens-tu de l’âge qu’avait le roi
lors de son sacre ?
— Pour sûr ! Dans le cortège, j’y
brandissais en avant de lui l’épée de Charlemagne, et Joyeuse était fort lourde.
J’avais huit ans, il en avait douze.
— Il était très jeune. Ne crois-tu pas qu’il
en a oublié les serments ?
Sous les agaceries machinales de sa jeune
maîtresse, l’agnelle s’agita dans les coussins et s’ébroua.
Louis se redressa sur son séant, intrigué par les
questions de sa belle-sœur.
— Comment ça, oublié ? demanda-t-il. Il
est vrai que, pour ma part, je ne me souviens guère que d’une cérémonie longue
à en mourir pour l’enfant que j’étais. Elle dut l’être aussi pour mon frère.
— Ne crois-tu pas qu’il serait temps de lui
rappeler le caractère sacré de sa mission de roi ?
— Ce serait pour le moins présomptueux, répondit
le prince, qui ne comprenait décidément pas où elle voulait en venir.
— Pas si ce rappel lui vient de Dieu lui-même.
Edelweiss sauta de la couche d’Isabelle et s’en
alla cabrioler dans l’herbe pour se dégourdir et s’essayer à brouter. La reine
en fut distraite, l’observant avec une tendresse amusée ; Louis, qui
attendait qu’elle poursuive, lui dit avec malice :
— Oserai-je, gentille belle-sœur, te demander
de revenir à tes moutons ?
Elle éclata de rire.
— J’y reviens, gentil beau-frère.
Et elle lui expliqua comment semer sur la route de
Charles VI un nouveau prodige. Il trouva l’idée lumineuse, la qualifia même,
dans son enthousiasme, d’inspirée ; et ils se mirent à discuter et à
peaufiner le projet avec animation.
— Demain je retourne à Paris ! Il faut
préparer l’affaire sans plus perdre de temps, s’enthousiasma Orléans qui se
sentait à nouveau le besoin d’agir.
C’est alors que les piaillements de Capucine
attirèrent leur attention. Ils aperçurent le nain qui
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