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Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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en mesure de retourner à l’hôtel de
Saint-Paul, à l’abri des remparts de Paris. Mais une fois relevée, Isabelle s’y
opposa fermement, elle voulait passer l’été dans sa Bergerie.
    Charles VI doubla alors l’effectif de sa
garnison, laissant la reine sous l’autorité du sire de Graville, puis s’en
alla avec ses grands capitaines et les princes prier à Saint-Denis, et lever en
grande pompe l’oriflamme, symbole d’un combat qui était le jugement de Dieu, avec
ses conséquences mortelles. À son retour, il passa par Saint-Ouen, pour faire
ses adieux à la reine.
     
    Le mois de juillet s’achevait, le ciel était d’un
bleu limpide, point de nuages à l’horizon pour une si belle entreprise. Le
jeune souverain était dans un perpétuel état d’exaltation à savoir le royaume
tout entier réuni derrière lui pour le voyage d’Alemanie. Personne n’y manquait,
de son frère d’Orléans qui faisait campagne pour la première fois, jusqu’au
distingué cardinal de Laon dont la pourpre s’accordait si peu avec le
bivouac.
     
    Dans la haute cour de la Bergerie, des tables
avaient été dressées pour y recevoir le roi et sa suite ; moult mets et
boissons seraient servis aux vaillants chevaliers.
    Pierre de Foissy ouvrit le banquet en
bénissant la noble assemblée, puis impatienta son auditoire en récitant une
fastidieuse oraison afin de mettre Dieu du côté de l’armée royale, ce qui fit
ricaner méchamment le connétable de Clisson : « Ventredieu, pas
besoin de bénédictions ni de prières pour écraser une mouche à merdaille sous
un pilon ! » grogna-t-il en aparté à ses voisins qui gloussèrent
discrètement.
    La reine regardait aussi le chapelain du roi avec
aversion. Elle ne l’aimait pas, pas plus qu’elle ne supportait sa religion
criaillarde, fanatique et venimeuse. Et pour toutes ces raisons, cet enragé de
Dieu risquait de faire manquer le plan qu’elle avait imaginé avec son jeune
beau-frère.
    En accord avec les Marmousets, et avec l’aide des
poudres d’Ozanne, elle comptait bien s’en débarrasser. Dans cette intention, Catherine,
sa chambellane, vint offrir une timbale de clairet fort épicé à Foissy quand il
eut enfin terminé son sermon. Il faisait chaud, et d’avoir tant parlé, ce
dernier avait grand soif ; il remercia et but d’un trait. Isabelle, qui
observait la scène, fut satisfaite : le chapelain du roi ne serait pas du
voyage d’Alemanie. Et l’on fit joyeusement bombance tout en parlant stratégie, étalant
des cartes de parchemin sur les tables.
    Le duc de Bourgogne ne voulait pas que la
grande armée française ne gâtât ses Flandres et son Brabant en le traversant
pour aller plus droit, plus plat et moins sauvage. Olivier de Clisson, conciliant,
affirma comprendre ses préoccupations. On prendrait donc par les Ardennes et le
Luxembourg. Évidemment, la route en serait considérablement rallongée, et les
lieux, encore vierges et inextricables, allaient nécessiter le détachement d’au
moins deux mille cinq cents terrassiers, bûcherons et tailleurs de buissons
pour faire le passage.
    — Mais baste ! s’esclaffa le Boucher
borgne en donnant une tape amicale, mais non moins vigoureuse, dans le dos du
Hardi, puisqu’il faut épargner vos États !
    Charles VI était heureux de voir son
connétable et son bel oncle si bien réconciliés.
    L’assemblée discuta encore, mangea et but beaucoup
jusqu’à basse none où les trompettes sonnèrent, donnant le signal du retour sur
Paris.
    Charles VI embrassa tendrement la reine en
lui faisant toutes sortes de recommandations, et embrassa non moins tendrement
Ozanne, sa demoiselle à la jolie figure.
    L’on se quitta contents les uns des autres et sans
plus traîner. Demain, il fallait se lever avant l’aube : le roi, ses
princes et capitaines rejoignaient l’ost royal en Champagne pour le grand
départ du glorieux voyage d’Alemanie, sous les heureux auspices du jour de la
Saint-Bonaventure.
     
    Pierre de Foissy ne se leva pas. Il fut atteint
dans la nuit d’une étrange hébétude, secoué d’une fièvre extraordinaire, qui le
laissa prostré dans son lit huit jours durant. L’armée ne l’attendit pas, et
partit comme prévu le 17 juillet.
    *
    La route fut encore plus éprouvante qu’on ne l’avait
imaginé. Dans un paysage hostile, le soleil d’août brûlait les heaumes et les
brigandines d’acier, et l’on bouillait à cuire dans les armures. Les

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