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Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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s’empressèrent à leur porter à boire.
    La belle jeunesse dorée de la Cour était pourtant
déjà passablement éméchée et les plaisanteries étaient déjà grasses. Il y avait
là les compagnons proches du jeune roi qu’il appelait gentiment ses « Plaisants
Cousins » sans qu’il fût question d’une quelconque parenté : on
pouvait y reconnaître Guillaume du Chastel, chambellan du roi, Yvain de Lescart,
le fier bâtard de Gaston Phébus, l’illustre comte de Foix, le comte de Joigny,
le sire de Nantouillet, Aymeri de Poitiers, Pierre de Fénin, écuyer
et panetier du roi, Huguet de Guisay, connu pour sa débauche et sa cruauté,
et enfin Adémard de Courtemay, que sa nouvelle promotion de familier du
souverain laissait quelque peu hébété.
    Sur une estrade, des musiciens jouaient, un
trouvère chantait quelque déchirante histoire d’amour en langue d’oc. Les
hommes se laissèrent déshabiller, poussant des cris chatouillés, un gobelet de
vin à la main, buvant pour boire, pour l’ivresse. Ils s’égaillèrent, nus comme
des vers, certains dressant déjà leur virilité triomphante, et plongèrent avec
délices dans les baquets d’eau tiède odorante, entraînant avec eux les « filles
folles de leur corps ». Déjà, les valets dressaient des tables devant les
cuviers ; on y ferait bonne chère tout en se laissant raser, laver et mignoter.
En enfilade de la grande salle des étuves, on apercevait des alcôves où se
trouvaient de larges lits de repos et d’ébattements.
    Le roi regardait ses Plaisants Cousins batifoler
dans l’eau comme des enfants, s’aspergeant, lutinant les femmes, s’interpellant
à grands cris. Il était toujours heureux du plaisir que prenaient ses amis, mais
lui n’était pas en train. Comme le sire de Graville, il ne s’était pas
laissé déshabiller. Charles VI avisa qu’il en était un autre qui se
débattait contre les entreprises d’une fille follieuse, bien décidée à
effeuiller ce splendide spécimen de la chevalerie à la chevelure flamboyante :
le pudique Adémard de Courtemay refusait de se laisser dévêtir. La chaleur
et l’émotion avaient fait virer son teint couleur de ce fruit délectable qu’on
appelait pomme d’orange ou pomme de soleil. Son visage crevait les écharpes de
vapeur comme l’astre du jour d’une aube brumeuse. La puterelle entreprenait
Adémard avec une énergie farouche, pleine de mains fourgonnantes. Celui-ci se défendait
avec la maladresse des hommes qui ne veulent pas se servir de leur force. Enfin,
il s’arracha à la fille, et prit la fuite, dépoitraillé, en protestant que son
cœur était ailleurs. Charles VI éclata de rire en suivant des yeux son
nouveau favori.
     
    Alors que Bois-Bourdon s’entretenait avec la
tenancière, une fille, la seule à avoir le visage masqué, s’approcha du roi. Elle
lui tendit une coupe d’argent. Le souverain la prit machinalement. Charles la
regardait en souriant tandis qu’elle délaçait lentement sa chemise. L’étoffe
glissa sur son corps et tomba à terre. Elle était nue devant lui, le fixant de
ses yeux aigue-marine derrière son masque. Elle avait un corps admirable, plein
et doré à ravir. Le roi souriait toujours. Il prit une longue mèche de sa
chevelure blonde qu’il enroula autour de sa main.
    — Quel dommage que cette merveille ne soit
pas de jais. (Il relâcha la boucle de cheveux qui se lova entre les seins de la
jeune fille, et leva sa coupe.) Non, grand merci, demoiselle. Mais je bois quand
même en l’honneur de vous.
    Et Charles VI but d’un seul coup.
    Le sénéchal du Berry, qui revenait auprès du roi, avait
vu toute la scène. Son intuition le mit en alerte. Il s’approcha du masque, deux
regards se croisèrent : l’effroi et la suspicion.
    — Je vous connais ! Et je me souviendrai
de ces yeux pâles, chuchota Bois-Bourdon, menaçant.
    « Cet homme est le Diable ! » pensa
Ozanne en ramassant prestement sa tunique pour s’en couvrir.
    Dévoilée par ce redoutable chevalier, elle se
sentait encore plus nue, atrocement impudique.
    Charles avait déjà oublié la fille, qui s’esquivait
en toute hâte. Il ne pensait qu’à son Isabelle, il s’ennuyait.
    — Je t’ai connu plus imaginatif, gentil
Bourdon, lui reprocha-t-il, désabusé.
    — Aussi vous ai-je réservé le meilleur, lui
rétorqua-t-il. Venez, la tenancière va nous conduire.
    Elle les entraîna dans un autre couloir sombre, sortit
une clef de

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