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Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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sous ses jupons, et ouvrit une porte dérobée. Puis elle les
abandonna discrètement après les avoir introduits dans une sorte de boudoir.
    Charles et Bois-Bourdon restèrent quelque peu
déconcertés par l’étrangeté du spectacle. Seul, crépitant dans la cheminée, un
feu donnait de la vie et de la lumière à un décor parfaitement immobile. Des
braises rougeoyaient faiblement dans des coupelles d’argent posées à même le
sol, dispensant des filets de fumées paresseuses qui saturaient l’air de
parfums orientaux. L’atmosphère avait une opacité trouble, estompant les
contours de la pièce, accusant la chaude intimité des lieux.
    Dans un amoncellement de fourrures blondes, un
corps nu et délié était mollement étendu, laissant jouer sur une peau noire les
reflets palpitants des flammes. Deux yeux les regardaient, deux pupilles d’onyx
serties d’ivoire, dans un visage d’ébène lustrée. Le regard avait une
expression d’orgueil soumis, celui d’une panthère noire, dressée, mais toujours
dangereuse.
    Une Barbaresque ! Une de ces femelles d’une
race dont on parle avec effroi, cette race sauvage dont on dit qu’elle se
nourrit de chair humaine.
    Il se racontait que de glorieux croisés avaient
ramené de ces êtres à peau sombre comme trophées. Ils les avaient soustraits
aux harems et aux esclaves des califes, les princes arabes les ayant eux-mêmes
achetés à des marchands qui allaient les capturer jusqu’au fond de la mythique
Afrique. Peu d’individus de l’espèce avaient survécu, ils craignaient le froid.
D’autres s’étaient adaptés et reproduits. On parlait beaucoup de ces créatures
noires et démoniaques, alors que bien peu en avaient vu, et on leur prêtait
toutes les malédictions de l’enfer.
    L’étrange créature, mi-bête, mi-femme, les fixait
toujours d’un regard immobile. Charles semblait sous le charme hypnotique d’un
reptile, il était enfin distrait d’Isabelle. Il amorça un mouvement lent autour
d’elle, comme cherchant un point d’attaque. La Barbaresque pivotait aussi
lentement, faisant toujours face. Les yeux d’onyx et d’ivoire le suivaient sans
ciller. Deux combattants qui se cherchent, s’observent, se défient.
    Le roi revint doucement vers le sire de Graville
et lui serra violemment le bras.
    — Sont-elles aussi dangereuses qu’on le dit ?
    — Je passe le premier si tu as peur !
    — Peur !
    Le roi en avait crié d’excitation car il aimait la
peur comme il la redoutait. Il aimait le défi.
    Le cri du roi avait provoqué une onde de choc sur
le corps d’ébène. Alors elle se lova sur elle-même, se tordit lascivement sur
le sol, faisant saillir ses seins fermes, admirablement dressés. Elle se mit à
ramper sur les fourrures. Charles la regardait venir en d’interminables
reptations jusqu’à ses pieds, jusqu’à ses jambes où elle grimpa au ralenti, avec
une grâce féline, collant étroitement sa nudité sur ses cuisses, frottant son
visage contre son bas-ventre, comme une chatte en chaleur. Le roi étendit une
main et caressa son épaule, encore hésitant.
    — Par Dieu, qu’elle est douce !
    Il se pencha et la rejoignit, visage à visage, clair-obscur.
    — Par Dieu, qu’elle est sombre ! Bourdon,
crois-tu que je me damne ?
    Mais le jeune sénéchal ne pouvait répondre, il était
parti.
    *
    Bois-Bourdon s’enfuyait.
    Il traversa la salle des étuves où les chevaliers
prenaient les femmes avec des rugissements de plaisir, tous ivres. Il sortit
dans la rue, comme ivre lui aussi. Il en avait des nausées et l’air lui
manquait. Il ne savait pourquoi il avait honte, pourquoi il ne pouvait plus
retenir sa mémoire… Encore une fois vaincu par cet intolérable souvenir, il
laissa monter à lui les images qu’il refoulait si souvent. Il lui fallait aller
jusqu’au bout de son humiliation, laisser fluer cette souffrance absolue pour l’alléger
un peu.
    Il prit le chemin qui longeait les remparts de la
ville d’Amiens.
     
    Encore damoiseau, pas encore sacré chevalier, il
était alors page au château de Bernay, en Normandie. Un soir d’hiver, trois
personnages du plus haut rang s’ennuyaient. Ils avaient festoyé, comploté, et
enfin avaient réclamé des femmes à grands cris, il y en eut même un pour
réclamer de jeunes garçons. Que n’en avait-il été alerté ? Mais que
pouvait connaître un enfant des turpitudes de ces nobles seigneurs ?
    La neige tombée en abondance empêcha que

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