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Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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l’anneau au doigt,
    Elle doit mettre un peu de côté sa vertu
    Pour le moment – pas d’autre solution.
    Contes de Cantorbéry , Geoffrey Chaucer
    À une heure après sixte, le roi sortit enfin de son
sommeil léthargique avec un air de profond étonnement.
    — Peux-tu me dire ce que je fais ici ? demanda-t-il
au sire de Graville qui, après avoir sauvé Ozanne, était revenu à son
chevet.
    Puis, s’avisant qu’il était seul dans cette couche
inconnue, il hurla le nom d’Isabelle, et avant que son favori ne pût l’en
empêcher, il était déjà hors du lit et se précipitait dans les corridors.
     
    Auprès de la reine, Catherine de Fastatavin
veillait à présent, priant sur un prie-Dieu. Elle se leva à l’entrée du roi, et
recula, plus de frayeur que par respect. Bois-Bourdon, qui l’avait rejoint, tenta
de le retenir sur le pas de la porte.
    — Que veut dire ceci ? murmura Charles VI
en fixant avec incrédulité le lit nuptial où la princesse de Bavière
dormait.
    D’une poussée ferme, il écarta le sire de Graville
et s’approcha avec hésitation. Il découvrit alors le visage tuméfié de sa jeune
épousée, dont les ecchymoses lie-de-vin s’auréolaient d’une couleur verdâtre.
    — Par le sang du Christ, qui a fait ça ?
s’exclama-t-il avec horreur. Qui a fait ça, que je le tue de mes propres mains !
    Ses cris réveillèrent Isabelle qui fut prise de
panique en découvrant le roi.
    — Tenez-le hors de moi, tenez-le hors de moi
à jamais, je ne puis supporter sa vue ! hurla-t-elle dans une répulsion de
tout son être.
    Tandis que le roi restait paralysé de stupeur, Catherine
se précipita sur le lit et prit son amie d’enfance dans ses bras.
    — Qu’il s’en aille, supplia-t-elle, ne
voyez-vous pas qu’il lui fait peur ?
    Charles VI restait hébété, et n’offrit aucune
résistance lorsque Bois-Bourdon l’entraîna hors de la pièce.
     
    Le roi, tête baissée, les doigts enfoncés dans ses
cheveux, sanglotait, en écoutant Bois-Bourdon lui narrer les événements de sa
nuit de noces.
    — Quand j’ai repris mes sens après le
terrible coup de masse de tes poings, il y avait comme un tambour douloureux
qui battait dans mon crâne ; hors, il n’y avait qu’un silence de tombe. Aucun
homme de garde n’était en vue, le corridor était sombre et désert. Alors, pris
d’un sombre pressentiment, j’osai entrer dans la chambre, la peur au ventre. La
reine gisait seule sur le lit, écartelée. Je l’ai crue… morte.
    — L’ai-je violée, gentil Bourdon ?
    — Oui, monseigneur.
    Charles poussa un gémissement d’horreur.
    — Parle, Bourdon, ne me cache rien, supplia-t-il.
    — La reine avait les yeux renversés, reprit
ce dernier d’une voix enrouée, elle était tuméfiée au visage, à la poitrine, aux
poignets, aux bras et aux chevilles. Ses cuisses étaient tout ensanglantées, le
drap sous elle était rouge… mais elle respirait.
    Il s’interrompit, étranglé d’émotion.
    — Dis, dis encore, je veux savoir, insista
Charles VI.
    — Je l’ai recouverte pudiquement d’une
courtepointe. Je la croyais seule, quand je t’ai aperçu, nu, replié sur
toi-même, dans l’embrasure de la fenêtre. Je t’ai appelé.
    — Et t’ai-je répondu ?
    — Non, tu étais hors d’atteinte, absent, aveugle.
Je t’ai passé une chemise et conduit par la main jusqu’à ce lit où je t’ai
couché, et où tu t’es endormi aussitôt. Et j’ai prévenu la duchesse de Bourgogne.
    Charles reniflait comme un enfant.
    — Le dernier souvenir que j’en ai, larmoya-t-il,
est celui de son visage terrorisé, elle enfilait sa chemise, elle me refusait
alors que je la désirais à en devenir fou. Et puis, il y a eu ce voile rouge
devant mes yeux. Et puis après… je ne sais plus.
    Le seigneur de Graville avait pitié de lui, victime
innocente, comme la reine, de tant d’intrigues de palais. Ils avaient été
dépossédés de la beauté de leur amour.
    — Ah, gentil Bourdon, quel crime ! gémit
le roi. Dieu par Sa grâce m’a-t-Il ôté ma puissance pour la Mauresque en faveur
de la reine, jusqu’à m’en rendre fou ?
    — Non pas, Dieu n’y est pour rien. On t’a
empoisonné ! (Charles releva la tête sans comprendre.) Ce coup de folie ne
peut être naturel. On t’a empoisonné.
    — Empoisonné, répéta le roi, sortant peu à
peu de son accablement. Qui, mais qui m’a empoisonné ?
    — Celui à qui ton mariage faisait

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