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Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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monseigneur.
    Le duc jura et lui relâcha la tête brutalement, la
poussant en avant. Ozanne tomba douloureusement sur les mains. Elle se
recroquevilla sur elle-même, et resta ainsi sur le sol, le front contre le
dallage, écrasée de sa propre culpabilité. Il s’agissait à présent de maléfice.
Ozanne se savait perdue, promise à la question, au bûcher. Comme étrangère à
elle-même, elle ne cherchait ni à mentir, ni à se défendre. Elle parla sans qu’on
le lui demande. Sa voix atone s’étouffait dans un silence de mort.
    — Le roi m’avait connue charnellement lors
des grandes fêtes du Mai. En souvenance de ses faveurs, j’ai osé garder une de
ses aiguillettes.
    Ozanne se tut, noyée dans ses cheveux, perdue dans
ses souvenirs. Bois-Bourdon s’approcha et posa un genou à terre. Il glissa une
main sous son menton et l’obligea à se redresser avec douceur. Assise sur les
talons, le buste droit, elle restait pétrifiée comme une statue de sel, le
regard fixe et lointain.
    — Continue, l’encouragea-t-il avec mansuétude.
    — Je n’étais pas sûre de la suffisance de ma
poudre…
    Elle hésitait. Puis reprit d’un ton monocorde :
    — Il est écrit dans Le Grand Albert des
secrets qu’il faut avoir la verge d’un loup nouvellement tué. Il faut se
tenir proche de la porte de celui que l’on veut lier, il faut l’appeler et, aussitôt
qu’il aura répondu à son nom, lier ladite verge avec un lacet de fil blanc, et
il sera rendu si impuissant à l’acte de Vénus qu’il ne le serait pas davantage
s’il était châtré.
    Elle prit son temps à nouveau. Le silence était
toujours absolu. Elle ajouta d’elle-même :
    — Je n’avais pas de verge de loup, et aucun
moyen de m’en procurer si rapidement. Alors j’ai fait comme le grimoire disait,
mais… avec l’aiguillette du roi.
    Personne n’a le courage de parler. La demoiselle de Louvain
est coupable des plus grands crimes qui soient, celui de sorcellerie et de
lèse-majesté.
    — Après que le roi eut bu, je ne me suis pas
sauvée tout de suite des étuves, je me suis cachée. J’ai vu le sire de Graville
sortir d’une chambre secrète. Il ne m’a pas remarquée, il courait. Alors je me
suis tenue derrière la porte et j’ai appelé : « Charles ! »
Le roi se tenait dans cette chambre car il a répondu « Qu’on me laisse ! ».
Alors… j’ai noué l’aiguillette.
    L’aveu était accablant. Après un instant de
stupeur, le duc de Bourgogne se mit à jurer. Ozanne tressaillit et sembla
soudain possédée. Elle se mit à hurler en se jetant sur le sol où elle se roula,
en s’arrachant les cheveux.
    — Tuez-moi, monseigneur, pour l’amour du roi !
Tuez-moi sur-le-champ ! Je veux mourir pour l’amour du roi.
    Le Hardi s’empara de son épée, et dominant de
toute sa stature la fille folle de douleur, il souleva l’arme des deux mains, haut
levée.
    — Maudite ! Maudite ! Retourne à
Satan !
    Marguerite et sa ventrière reculèrent d’horreur et
sortirent vivement sans intercéder. L’épée du chevalier, arme du Christ
symbolisé par la croix du pommeau, et sanctifiée par la bénédiction, était l’image
de la justice immanente de Dieu. Dans le même mouvement, Ozanne se dressa sur
les genoux, se signa et joignit les mains. Déjà, l’épée s’abattait, déjà elle
avait la tête fendue, quand des mains nerveuses bloquèrent les poignets du duc.
    — Tu oses ?
    — Seigneur mon duc, il y a mieux à faire, dit
fermement Bois-Bourdon. Épargnez Ozanne de Louvain, elle n’est qu’un pion.
    Ils se mesuraient du regard à travers la croisée d’un
mortel bras de fer.
    — Avec ce pion, vous prenez la dame.
    Le Hardi abaissa son épée lentement.
    — La dame de Brabant !
    — Oui, monseigneur ! Jeanne de Brabant
a armé la main de cette fille. Elle l’y a contrainte. Ozanne de Louvain
est plus dangereuse vivante que morte pour la duchesse. Ne tuez pas quelqu’un
qui peut si bien nous servir.
    Philippe le Hardi réfléchissait vite. Il
sourit.
    — Je la tiens, cette vieille charogne !
     
    Ozanne se laissa aller sur le sol où elle perdit
connaissance. Même la mort ne voulait pas d’elle.

10
Mardi 18 juillet 1385
    Ils mangent et boivent, dansent, chantent et
s’amusent
    Gagnent leur couche, désirée, méritée,
    Car une épouse a beau être très sainte,
    Elle doit supporter patiemment, la nuit,
    Les nécessités qui font le plaisir
    De celui qui lui a passé

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