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Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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de Vienne, le grand Bouteiller de France, le sire de Coucy, et
Guy de la Trémoille, grand chambellan du duc de Bourgogne. Hommes de bon
sens et hommes de guerre. Et, sur une estrade, le roi.
    Charles VI se tenait raide, le visage défait.
On pouvait remarquer des griffures sur sa joue droite. Il en était beaucoup
pour en conclure que la nuit avait été plaisamment chaude avec sa jeune épousée.
    Le duc de Bourgogne se leva et vint se tenir
à ses côtés. Posant une main protectrice sur l’épaule de son neveu, il s’adressa
solennellement à l’assemblée :
    — Gand s’est encore révoltée ! La ville
félonne s’allie à l’Angleterre contre nous. Elle fait garnison dans le port de
Damme et attend pour s’unir à l’Anglais afin de brûler et détruire notre flotte
amassée à l’Écluse [12] .
Qu’en dites-vous, messeigneurs ?
    Cela fut vite dit. Il fallait corriger ces Gantois
qui continuaient de narguer le roi de France. Ces gueux menaçaient la plus
grande puissance maritime que la France ait jamais connue. Ils menaçaient le
projet d’envahir l’Angleterre. On allait le leur faire voir !
    Les foudres de guerre avaient parlé. On devait
rallier l’armée royale au plus tôt à Arras, et se rendre à marche forcée dans
les États du nord. Le seul opposant fut bien entendu le duc de Berry. Il
se fit ironique à l’adresse de Philippe le Hardi.
    — Que n’avez-vous encore maté vos Flamands, noble
frère ? Gand a décidément l’art de tenir les comtes de Flandre à
merci.
    Le duc faisait bien sûr allusion au feu comte
Louis de Maele qui avait dû fuir sa ville de Gand déguisé en valet, trois
ans auparavant, lors de la « Révolution des mécaniques » des
tisserands flamands. Bourgogne n’eut pas besoin d’intervenir, d’autres le
firent pour lui.
    — Il est temps de châtier l’arrogance des
Gantois ! clama le connétable de Clisson en se dressant.
    — Il faut réduire définitivement les suppôts
de l’antipape de Rome [13]  !
    — Il faut partir ! Laissera-t-on mettre
à mal la flotte française sans rien faire ?
    Et des cris fusèrent : « Mort aux
hérétiques ! Sus aux Anglais ! Brûlons Gand ! »
    Le Camus eut un geste d’apaisement.
    — Certes, je vous entends bien ! Mais il
est inutile de briser ainsi les réjouissances du mariage royal. Joutons, festoyons
et amusons la Cour et le peuple comme il se doit. Après, nous irons.
    Il ignorait, comme les autres, le drame de la nuit
de noces.
    — Le temps presse, mon frère, lui lança
Philippe le Hardi. Et puis, qu’avez-vous à ergoter, votre ost n’est
toujours pas là et nous saurons bien nous passer de vous.
    — Il le faudra bien, sourit mielleusement le Camus.
    Le duc de Bourgogne se détourna de lui avec
colère et s’adressa au roi qui n’avait encore rien dit.
    — Sire, mon neveu, nous attendons votre
décision.
    Le Hardi tenait à cette guerre providentielle, pour
ses propres intérêts, bien sûr, mais aussi pour distraire l’attention de la
Cour du couple royal, d’autant plus qu’il avait appris la violente répulsion de
la reine à la vue de son époux. La séparation et le temps arrangeraient les
choses, pensait-il. Restait à savoir si son neveu allait se laisser séparer si
vite d’Isabelle…
    Chacun attendait la réponse de Charles VI
dans le silence. Enfin, il se dressa.
    — Que mon porte-étendard parte immédiatement
lever l’oriflamme à Saint-Denis avec une escorte. Nous partirons demain pour
Arras ! Nous irons à la victoire en l’honneur de ma dame.
    On cria « Vive le roi ! » Puis il y
eut une voix pour crier « Vive la reine ! ».
    Charles devint livide. Il vida les lieux.
    *
    Alors que sonnaient complies, Isabelle se mit à
gémir, se disant prise de douleurs d’entrailles et se plaignant que le sang lui
coulait à nouveau. Catherine de Fastatavin s’affola, et fit mander la duchesse
de Bourgogne et sa ventrière.
     
    Au même moment, Philippe le Hardi se
présentait chez sa tante de Brabant pour s’enquérir des nouvelles de sa santé. Il
s’était fait accompagner du sire de Graville, d’Ozanne de Louvain et
de son notaire.
    Philippe pénétra seul dans la chambre où Jeanne
reposait, assise, le dos appuyé sur des oreillers. Il la salua, affable, et
sans y être invité, il s’installa confortablement sur la banquette de chevet.
    — Je suis fort navré de vous savoir si malade,
ma belle tante.
    — Je vous remercie de

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