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Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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se le dise !
    Que venait donc faire la flotte française dans cet
imbroglio de noces royales ?
    *
    Toutes les cloches appelant à la grand-messe
vidèrent bientôt le palais épiscopal. Le soleil entrait à flots par la large
baie de la chambre nuptiale. Isabelle, du fond de sa lourde torpeur, sentit la
présence de Zizka.
    — Comment les enfants viennent aux femmes, Zizka ?
    — Le Créateur donne l’enfant à l’amour de l’homme
et de la femme qui s’unissent par le ventre. Et dans son infinie sagesse, Il
leur a donné ce que l’Église exècre, le plaisir.
    — Le plaisir, est-ce la luxure ?
    — Le Seigneur a dit « Croissez et
multipliez ! », mais l’Église a oublié la parole de Dieu, plus
obsédée de pudicité que de génération. Elle donne la virginité comme infiniment
supérieure aux autres états ; il en sera ainsi tant que l’Église se plaira
à mettre le Diable entre les cuisses des pauvres femmes.
    — Les enfants ne viennent donc pas de Dieu ?
    — Tout est à Dieu et y revient. Le temps d’une
vie, le Seigneur laisse les hommes libres de leurs affaires.
    La décoction terrassa de nouveau Isabelle, qui s’endormit
d’un profond sommeil.
    *
    Avant que le Conseil des princes des Fleurs de lys
ne se réunisse, il y eut après la messe un conseil privé en grand secret avec
le duc et la duchesse de Bourgogne, le sire de Bois-Bourdon, la
ventrière… et Ozanne de Louvain, à genoux, en cheveux et en simple chemise
comme une condamnée à mort.
    — Qu’as-tu fait boire au roi ? demanda
durement le Hardi qui menait l’interrogatoire.
    — Je ne sais, murmura Ozanne de sa belle voix
rauque.
    — Parle plus fort, qu’on t’entende !
    Ozanne, la tête penchée sur la poitrine, le visage
mangé par ses longs cheveux blonds, était étrangement calme et résignée. Elle
haussa légèrement le ton, sa voix se fit plus rauque encore, nouée.
    — Je ne sais. Une poudre que m’avait léguée
ma nourrice, pour ma sauvegarde.
    — Tu mens !
    — Sur Dieu, je ne mens point. Je sais qu’il y
entrait de la menthe, du nénuphar et de la fleur de rue. Mais pour le reste, je
ne sais point.
    — Ces plantes sont désignées par Hippocrate
et Aristote comme des anaphrodisiaques, commenta la sage-femme. Le nénuphar est
la plante des ascètes qui délivre des tentations de la chair, la rue est connue
aussi comme plante abortive. Mais rien de tout cela ne peut justifier l’état
extrême du roi.
    — Tu dis que ta nourrice t’a légué cette
poudre pour ta propre sauvegarde ? reprit le Hardi.
    — Oui, monseigneur. Pour me garder des hommes
et de leur violence.
    — Est-ce que tu as déjà eu recours à cette
poudre sur d’autres que le roi ?
    — Non, monseigneur, cela n’a pas été
nécessaire.
    — Donc tu ne connaissais pas les effets de ta
mixture. Le roi était-il un danger pour toi ?
    — Non, monseigneur, pas pour moi. Pour la
princesse de Bavière.
    — La reine était en danger avec son propre
époux ? Pourquoi ?
    — La reine est impubère.
    Impubère !
    La duchesse de Bourgogne se dressa, vibrante
d’indignation.
    — La princesse était encore une enfant ?
Mais qui savait ?
    — La duchesse de Brabant, intervint
Bois-Bourdon qui ajouta avec âpreté : C’est sur son ordre que la
demoiselle de Louvain a agi.
    — Impubère ! Et elle ne m’en a rien dit,
s’emporta Marguerite.
    La duchesse de Bourgogne, fille unique du
débauché comte de Flandre Louis de Maele, était tout à l’inverse de
son défunt père, intraitable avec le bon usage. Elle avait les douceurs mais
aussi la dureté de la vertu. Grande et de taille fine, elle était comme une
pure flèche dressée contre toutes les iniquités d’une époque où l’honneur de la
chevalerie s’était oublié. À Dijon, capitale des ducs de Bourgogne, le petit
peuple l’appelait « la Bonne-Dame ». D’une prestance de souveraine, la
plus riche héritière d’Europe était plus occupée de charité que des intrigues
de cour. Sa colère n’avait d’égale que celle de son puissant époux, qui, comme
elle, se sentait trahi par la duchesse de Brabant.
    Philippe retourna sa fureur contre Ozanne.
    — Jamais je n’ai ouï dire que Charles eût
violenté une femme. Il faut que tu l’aies par trop empoisonné. Pire peut-être, envoûté !
    Il empoigna la chevelure d’Ozanne, lui renversant
la tête.
    — As-tu usé de charmes contre la personne du
roi ?
    — Oui,

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