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Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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couche.
    Marguerite s’inquiétait fort de la prostration de
la reine, et cette inquiétude, accrue par la menace des Têtes-Noires, lui
faisait prolonger son séjour à Beauté. Elle prit place à son chevet, sur une
des banquettes rembourrées de velours bleu frappé, frangées d’or, où se
tenaient les visiteurs, car il était de coutume de recevoir couché en son privé.
    — Savez-vous que vous vous tenez dans le
propre lit de votre beau-père Charles V ? lui annonça la duchesse
avec le sourire, sans préciser toutefois que c’était aussi celui où il avait
trépassé.
    Elle cherchait à rompre la glace avec Isabelle qui
ne répondit que par un grognement d’indifférence. Sans en tenir compte, Marguerite
se mit à discourir sur la richesse des courtines, faites d’une étoffe violette
rehaussée d’or, du ciel qui était également d’or avec lambrequins, du haut
dossier du chevet incrusté d’un bouclier de champ d’azur semé de fleurs de lys
et bandé de gueules : le blason du défunt roi.
    — Beauté-sur-Marne, lui expliqua-t-elle, était
la résidence des champs préférée de Charles V. Rien n’y a été changé
depuis sa mort, pas même ses signes héraldiques. Votre époux, lui, a renoncé au
semis de fleurs de lys pour adopter les trois lys en l’honneur de la sainte
Trinité.
    À l’évocation de Charles VI, le visage d’Isabelle
se crispa, ce qui n’échappa pas à la duchesse. Elle ne savait plus comment
prendre cette enfant qui visiblement lui échappait, la rejetait. Elle avait su
la rassurer avec les mots d’une mère la veille de son mariage, une mère qui n’avait
pourtant pas su la protéger comme sa fille au soir de ses noces. Il lui serait
difficile de regagner sa confiance. Elle réprima un soupir, et changea de
conversation :
    — Nous avons reçu des nouvelles de Flandre, ce
matin. On y parle d’une tempête terrible dans le nord qui mit en péril la
flotte royale à l’Écluse…
    — Donnez-moi plutôt des nouvelles de ce
Geoffroy Tête-Noire, la coupa fort discourtoisement Isabelle.
    — On s’arme, lui répondit Marguerite sans se
départir de son calme. Des milices sont venues de Paris et d’ailleurs. Ils sont
tant qu’ils occupent toute la haute et la basse cour.
    — Je le sais, madame ! J’entends assez
le fracas de leurs armures. Il n’y a nul endroit où se rendre. Je ne puis même
plus sortir de mon logis, maugréa-t-elle en se remontant nerveusement sur ses
oreillers.
    Ce mouvement brusque éveilla la petite Catherine
qui s’était assoupie contre elle. Elle regarda avec étonnement Isabelle dont
les yeux étaient devenus immenses, semblables au miroir d’un lac sur le point
de déborder.
    — Tu pleures, madame Belle ?
    — Non, je ne pleure pas, lui répondit-elle en
déposant un baiser sur son front, les larmes au bord des cils.
    La duchesse de Bourgogne était de plus en
plus embarrassée. Elle hésita, mais il lui fallait bien se décider à sortir de
son aumônière un petit rouleau de papier aux entrelacs et sceau de France. Elle
le tendit résolument à la reine qui s’en saisit machinalement.
    — Par ce même courrier, monseigneur le roi
vous a fait parvenir un message.
    Isabelle poussa un grand cri en rejetant loin d’elle
la missive de Charles VI, comme si elle avait touché un serpent. Puis elle
roula sur le ventre, enfouit sa tête dans l’oreiller, et éclata en sanglots
convulsifs.
    — Qu’est-ce qu’elle a, elle est malade ?
demanda Catherine, en se mettant à pleurer à son tour.
    Marguerite se leva, et saisit la fillette par le
bras, l’obligeant à descendre du lit.
    — Venez, mon enfant, il faut laisser la reine
se reposer.
    — Je suis fatiguée de me reposer, hurla
soudain Isabelle de façon hystérique en étouffant ses cris dans la plume. Je ne
suis pas malade. Je veux de l’air ! Je veux sortir, sortir ! Je veux
courir ! Je veux retourner en Bavière.
    La duchesse mit fin à sa visite, la confiant à ses
chambrières qui accouraient aux cris de leur maîtresse, avec l’ordre de quérir
immédiatement Catherine et Ozanne. Puis elle quitta la chambre, entraînant la
princesse de France toute sanglotante, épouvantée par la soudaine crise de sa
madame Belle. L’état où Marguerite laissait la reine la terrifiait tout autant.
Elle se demandait quel miracle allait pouvoir guérir cette enfant de sa
blessure.
     
    La duchesse traversa vivement la grand-salle du
logis, comme la proue d’un

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