Eclose entre les lys
de quartier… et je veux Geoffroy !
Qu’il soit mort ou vif, nous le brancherons de même façon.
Un hourvari salua le discours. Une exclamation
indignée s’éleva au-dessus des autres :
— C’est là manœuvre de soudards ! glapit
le chevalier d’Albrêche, venu à la tête des gardes du château du même nom.
— Contre soudards, répliqua fermement Louis d’Orléans,
guerre de soudards !
Tout le monde se retourna vers le prince, étonné.
— Si cette guerre ne vous convient pas, messire
d’Albrêche, reprit ce dernier de sa voix de fausset, attendez les prochains
tournois pour y promener vos armes.
La réplique était outrageante. Le plus surpris de
tous fut le seigneur de Bois-Bourdon. Il ne s’était guère attendu au
soutien du frère du roi dans cette entreprise, tant il est vrai que la
chevalerie méprisait la ruse et combattait toujours de plein front, fièrement. Il
y avait eu beaucoup de batailles perdues, causées par la désorganisation qu’entraînait
un individualisme vaniteux.
Il salua d’un léger sourire l’intervention du duc
d’Orléans ; celui-ci lui répondit de même.
— Eh bien, seigneur d’Albrêche, serez-vous
des nôtres ? demanda froidement le sire de Graville.
Le chevalier se rassit, mortifié. Désavoué par le
premier prince de France, il ne pouvait que se soumettre.
— En est-il d’autres ? clama
Bois-Bourdon encore plus fort en parcourant l’assemblée de son regard acéré.
Il n’y eut que grognements désapprobateurs pour
lui répondre.
— Demain, à l’aube, Geoffroy et ses
Têtes-Noires se balanceront comme grappes de raisin aux murailles de Charenton !
conclut le capitaine avec force.
Une ovation lui répondit avec des cris de guerre
et de menace :
— Que les corbeaux leur mangent les yeux !
— Et les couillons !
— À mort les Têtes-Noires !…
Dans le tumulte, alors que les chefs de milice se
retiraient peu à peu, Louis d’Orléans s’approcha du sénéchal du Berry.
— Vous savez mener les hommes, messire.
— Et vous, me rendre raison, monseigneur. Que
me vaut votre soudaine amitié ?
— Le souci de la reine, répondit Louis. Qui
restera à Beauté pour la garder après votre sortie ?
— Des hommes d’armes en suffisance.
— Puis-je en prendre le commandement ?
Bois-Bourdon considéra le jeune duc avec suspicion,
puis s’inclina.
— J’allais vous le proposer, monseigneur.
C’était un honneur que le sire de Graville ne
pouvait guère refuser au frère du roi. Que comptait faire ce dernier d’un
pouvoir auquel il n’était point exercé ? Il se rassura en songeant au
fidèle lieutenant qu’il avait déjà nommé à la tête des gardes du château durant
son absence.
Le jeune duc d’Orléans, content de lui, se rendit
tout aussitôt au logis de la reine. Il traversa la haute cour, avec une allure
de conquérant, où la soldatesque s’effaça devant lui, saluant bas à son passage
les fleurs de lys de son pourpoint. Il se sentait puissant. Ce sentiment l’enivrait.
Son précepteur pouvait être fier de son élève, il avait fort judicieusement
suivi ses conseils : « Cherchez l’amitié de sieur de Graville au
lieu de vous y opposer. Vous ne faites que l’importuner comme mouche. Faites-vous
raisonnable et raisonneur, en véritable prince de sang. Il saura vous
considérer. »
Dans le milieu de l’après-midi, les troupes
débarrasseraient le château. Louis, alors, en serait le maître.
En entrant chez la reine, il perçut immédiatement
le désarroi d’Isabelle. La crise passée, ne tenant plus au lit, elle s’était
enfin levée. Elle avait erré lamentablement dans ses appartements, décourageant
la sollicitude d’Ozanne et de Catherine. Elle se tenait à présent seule, plantée
à la croisée qui donnait sur l’admirable panorama du Val-de-Marne… qui donnait
sur la liberté.
— Madame, j’ai bonnes nouvelles. Avant qu’il
ne soit demain, nous serons débarrassés des bandits.
Isabelle ne réagit pas, ne se retourna même pas.
— Et avant que le jour ne soit couché, nous
aurons couru jusqu’en forêt de Vincennes et serons revenus de même façon.
— Nous n’y sommes pas encore, murmura-t-elle,
avec cette envie de pleurer qui ne la quittait pas. On ne nous laissera point
sortir.
Remettre en doute sa toute nouvelle autorité
irrita le jeune duc.
— Nous allons sortir ! Bois-Bourdon commande
aux milices. Il les conduira ce
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