Eclose entre les lys
serons plus à l’aise.
Alezane regimba à nouveau alors que Louis les
doublait, déjà au grand galop. Isabelle lâcha les rênes, laissant la jument se
reprendre cette fois d’elle-même. Doucement, elle se pencha sur son encolure, flattant
des deux mains la tête fine de sa monture.
— Doux, Alezane, doux, ma belle.
Puis elle posa sa joue sur la crinière fauve, lui
prenant le cou à pleins bras, avec tendresse et lui murmura des mots d’amour. Entre
la bête et sa cavalière, le contact prenait. Isabelle caressait des mains et de
la voix. Les oreilles dressées d’Alezane pivotèrent vers sa nouvelle maîtresse.
Elle se soumit, soufflant fort des naseaux, agitant sa tête fière.
La jeune reine sentit entre ses cuisses la
soumission de sa jument. Une jubilation intense monta en elle, elle la sentait
sienne, sienne aussi sa puissance. Elle se redressa et pressa des deux genoux
les flancs d’Alezane qui s’envola.
Elles débouchèrent dans la haute cour à plein
galop alors que Bois-Bourdon la traversait de son grand pas élastique. Il s’immobilisa,
les regardant venir.
Isabelle, avec une férocité d’amazone, pressa
encore sa monture, fonçant droit sur lui. Alezane fit un écart au dernier
moment, évitant l’homme toujours immobile, puis ralentit au vu du mur d’enceinte.
D’une main légère, sa cavalière lui fit faire demi-tour doucement, la laissant
souffler. Alezane répondait parfaitement à sa volonté, comme si elles avaient
toujours chevauché ensemble.
La reine revint au pas vers le capitaine de sa
garde qui l’observait, impassible.
— Eh bien, messire de Bois-Bourdon, qu’en
est-il de votre Geoffroy Tête-Noire ? l’apostropha-t-elle du haut de son
admirable monture. N’est-il pas encore branché au gibet du château ?
Négligeant la question, il se contenta de répondre
en énumérant les mérites d’Alezane :
— Issue d’une noble lignée espagnole, ce qui
lui donne sa race, mâtinée d’arabe, ce qui lui donne sa fougue. Cette pouliche
a fait déjà vider les étriers à plus d’un écuyer. Elle vous va à ravir, madame,
elle est aussi ombrageuse que vous.
— Vous n’avez pas parlé de son courage, messire,
mais sauriez-vous le reconnaître lorsqu’il s’en trouve ?
Sans attendre de réponse, elle remit Alezane au
petit trot, rejoignant Louis d’Orléans qui l’appelait.
Le visage de Bois-Bourdon n’avait pas frémi. Le
coup le touchait en dedans sans qu’il n’en laissât rien voir. Seules ses
prunelles s’étaient encore assombries.
— Elle est belle, n’est-ce pas ?
Il se retourna, le cardinal de Laon s’approchait
de lui.
— La reine ?
— Certes, et l’on voit que vous l’appréciez
en amateur. Mais je parlais de la pouliche, ironisa le prélat.
— Je vous croyais très attaché à cette jument ?
demanda le sire de Graville, ignorant le sarcasme.
— Je le suis également à la reine.
— Vraiment ?…
Les deux hommes se dévisageaient. Pierre Aycelin
se troubla le premier : il y avait de la glace dans le regard de
Bois-Bourdon, et chaque fois qu’il l’avait accroché, il y avait lu une menace, senti
un danger mortel.
Le cardinal était habitué à côtoyer la haine, un
homme tel que lui et de son rang avait de solides ennemis. Mais ce qui le
troublait chez le sire de Graville, c’est qu’il ignorait la raison de
cette implacable inimitié. Bois-Bourdon, hier grand ordonnateur des menus
plaisirs du roi, lui avait semblé fort peu préoccupé de politique. Il l’avait
toujours considéré avec négligence, le jugeant homme léger, fait de veulerie et
de débauche.
Aujourd’hui, le débauché était capitaine de la garde
personnelle de la reine. N’est-ce pas lui-même qui, en préjugeant, avait eu l’esprit
léger ? Pierre Aycelin de Montaigu, qui croyait connaître les hommes,
songeait qu’il s’était peut-être bien trompé sur celui-ci.
13
La cage de Beauté
Ce n’est pas l’homme qui a été tiré de la femme, mais la
femme de l’homme, et ce n’est pas l’homme qui a été créé pour la femme, mais la
femme pour l’homme. Que la femme soit donc soumise en toutes choses à son mari
comme l’Église au Christ.
Saint Paul
— Racontez encore, madame Belle, comment ils
sont, les ours en Bavière, grands comme une montagne ? Et comment c’est
grand une montagne ? Madame ma tante ne veut pas que je vienne vous voir
tout le temps, et pourtant elle vient bien, elle ! J’ai couru
Weitere Kostenlose Bücher