Eclose entre les lys
vite pour
être avant elle.
« Madame ma tante », la duchesse
de Bourgogne, s’était fait en effet annoncer chez la reine.
Isabelle sourit, tant il était impossible de tarir
le flot des questions de sa petite belle-sœur, princesse de France, pelotonnée
contre elle sur l’immense lit à courtines. Catherine de Valois avait sept
ans, elle était diaphane comme un pétale d’églantine, vive comme un feu follet,
curieuse comme un furet.
Sa naissance avait causé la mort de sa mère, la
reine Jeanne de Bourbon. Charles V, en grand deuil, avait
immédiatement écarté de lui sa fille nouveau-née, la confiant à sa grand-mère
maternelle, M me de Bourbon la Grant. Cinq ans plus tard, le
roi de France était mort, veuf inconsolable, en ce même château de
Beauté-sur-Marne.
La douairière de Bourbon se faisant sénile, et
même quelque peu folle, le jeune Charles VI avait demandé récemment à
Marguerite de Flandre de prendre sa petite sœur dans sa mesnie. La
duchesse s’apprêtait à envoyer la fillette rejoindre ses plus jeunes enfants à
Dijon, sa capitale bourguignonne, lorsque le duc de Berry demanda la
princesse de France en mariage pour son fils aîné, Jean, comte de Montpensier.
Étant cousins germains, il fallait la dispense apostolique du pape d’Avignon. La
duchesse de Bourgogne avait donc gardé par-devers elle la petite fiancée
en attendant cette dispense qui se faisait désirer.
À Beauté-sur-Marne, l’orpheline, qui étouffait de
tendresse, avait jeté son dévolu sur la reine qui s’était mise à l’adorer. Catherine
l’Églantine, comme se plaisait à l’appeler Isabelle, était la seule à toucher
son cœur, à la distraire de sa blessure, à l’égayer lorsqu’elle se sentait dans
une profonde morosité, vidée d’énergie et d’espoirs, comme en cette matinée
morne et interminable où elle laissait s’égrener le temps sans bouger de son lit.
Cinq jours qu’elle n’était pas sortie, qu’elle n’avait
point couru, ni galopé, ni même vu Alezane. Cinq jours que la soldatesque, venue
en renfort des quatre horizons, envahissait le château, la confinant en son
logis. Isabelle s’y tenait, s’y morfondait, s’y mourait…
Et en ce maudit matin qui n’en finissait plus, elle
se sentait encore bien plus abandonnée… La rude tendresse de Miette la Clabaude
lui manquait toujours cruellement. Qu’aurait dit sa bonne nounou de la violence
du roi ? Tout roi qu’il était, nul doute qu’elle lui aurait arraché les
yeux. Elle enviait la liberté de Miette qui avait permis à celle-ci de
retourner en Bavière auprès de son fiancé, alors qu’elle, reine de France, était
tenue prisonnière, et bien seule.
Sa chambellane, Catherine de Fastatavin, s’était
levée lasse et nauséeuse, tant qu’elle était retournée se coucher. Quant à
Ozanne, elle l’avait atournée à son lever avec ses chambrières, puis elle avait
disparu Dieu sait où avec ses herbes et ses onguents. Isabelle s’interrogeait
sur l’attitude de sa dame d’honneur qu’elle avait connue amicale et gaie. Depuis
Amiens, une ombre semblait avoir terni la lumineuse blondeur de la demoiselle de Louvain,
elle était comme éteinte. Elle songea avec amertume qu’elle n’avait guère de
soutien dans son nouvel état, et il lui était réconfortant d’écouter le babil
de la princesse de France qui l’appelait « madame Belle » car
Isabelle était trop long pour son débit précipité.
Marguerite de Bourgogne fit son entrée, affable
sous son air altier, et salua la princesse de Bavière.
— Dieu vous garde, madame ! Comment va
ce jour d’hui la reine de France ?
— Bien, madame, lui fut-il répondu mollement.
Et que Dieu vous garde pareillement. Et pareillement votre santé ?
— Elle va bien, madame.
Puis s’adressant à Catherine, Marguerite prit un
ton sévère.
— Demoiselle, je vois que vous avez encore
disparu sans permission, vous serez punie.
— Oh non, madame, je n’ai fait que vous
annoncer à madame Belle, geignit Catherine, avec une moue qui précédait les
sanglots.
Il est vrai que la petite princesse de France
cherchait toutes les occasions de rencontrer Isabelle.
— Elle ne m’ennuie pas, je vous l’assure, protesta
celle-ci, bien au contraire. Il ne faut pas la punir.
— Nous verrons cela, consentit la duchesse, laissant
échapper un sourire indulgent en regardant sa nièce, nichée contre sa madame
Belle allongée sur sa
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