Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Emile Zola

Emile Zola

Titel: Emile Zola Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edmond Lepelletier
Vom Netzwerk:
prétentieux de l'avocat impérial Pinard. Puisque le livre de Flaubert était immoral, ainsi que le prétendait l'honorable et stupide organe du ministère public, tout le monde avait désiré se régaler des obscénités dénoncées. La Curée, déférée aux tribunaux comme roman dégoûtant, c'était le succès sur et l'auteur attaqué, insulté, mais connu et bien payé, et cela trois ans avant l'Assommoir. Ce procès eût abrégé le stage que Zola devait encore faire avant d'arriver à la notoriété, au succès et à la fortune.
    C'est une Phèdre moderne que cette Renée, et son Hippolyte est le pâle convive d'un festin de Trimalcion contemporain. Un roman truculent, évoquant les orgiaques banquets du Bas-Empire. Une des oeuvres les plus colorées et les plus romantiques de Zola. Il y a un peu de grossissement dans les faits et d'exagération dans les personnages : Zola, il est vrai, écrivit ces pages, où Juvénal et Pétrone semblent avoir soufflé des épithètes, au moment où l'empire s'écroulait dans le sang, dans la honte, et où l'indignation et le dégoût excitaient à voir tout hors de proportion : on vantait la corruption impériale à force de la dénoncer énorme. C'était l'époque où, dans le langage de chaque patriote vibrant et surexcité, tout était à l'outrance : la guerre comme le mépris.
    C'est peut-être dans la Curée que la très grande et très extraordinaire puissance descriptive dont fut doué Zola atteignit son apogée. Non seulement le relief, la configuration extérieure et l'impression plastique des êtres et des choses s'y trouvent rendus avec une netteté incomparable et une perfection sans rivale, l'art précis de Vollon ou de Roybet, mais l'atmosphère, le son, le rythme, l'allure propre à l'homme, ou imprimée par lui à l'objet dans son ambiance, y sont traduits avec une couleur qui éblouit et une vérité qui déconcerte. C'est de la peinture plus exacte que la photographie.
    Voici, en exemple, le dîner donné par le spéculateur Saccard à une meute de bonapartistes, pourceaux sénatoriaux du bas empire, s'empressant à qui dévorera ce règne d'un moment.
    Les types, d'abord, sont frappants : ce baron Gouraud, sénateur abruti, qui a des yeux d'accusé qu'on juge à huis-clos, et qui, lourd, avachi, brisé par les rudes travaux des maisons de passe, mâche pesamment, la tête penchée sur son assiette, comme un boeuf aux paupières lourdes ; Hupel de la Noue, le préfet à poigne, qui a dû être quelque part le père des pompiers et inventer de prodigieux virements ; Haffner, le candidat officiel, qui, plus tard, livrera son Alsace à la Prusse, par la force du plébiscite qu'il fera triompher ; Michelin, le chef de bureau corrompu, dont l'avancement est le prix de la honte, et les deux entrepreneurs balourds, Charrier et Mignon, qui sont si contents de la Curée impériale qu'ils disent tout haut ce que chacun pense tout bas : «Quand on gagne de l'argent, tout est beau !»
    Mais, outre ces types si vrais, si reconnaissables, l'air capiteux de cette salle à manger, où tant de convoitises et d'infamies sont attablées, l'impression de cette réunion de parvenus digérant les truffes comme ils avalent les millions, gloutonnement et bestialement, le relent de tous ces êtres échauffés mêlé à l'odeur de toute cette mangeaille, la buée indéfinissable flottant au-dessus de cette nappe et de ces convives, tout ce fond du tableau, l'artiste l'a rendu, et de main de maître. Il a noté jusqu'à ces «fumets légers traînant, mêlés au parfum des roses», et a constaté que «c'était la senteur âpre des écrevisses et l'odeur aigrelette des citrons qui dominaient».
    Une autre scène, où le talent de l'écrivain s'est joué de toutes les difficultés cherchées et entassées comme à plaisir, c'est celle de la serre : la fameuse scène de la serre. Zola est parvenu à y donner la sensation vive et précise d'un effréné duo d'amour. Là, tous les raffinements d'une passion maladive se mêlent à l'âcre stimulant du crime, dans un lieu étrange, capiteux, chargé de parfums provocants, où l'air même est lascif et irrite les sens à vif. La description de ce boudoir végétal, tout imprégné de senteurs aphrodisiaques et de sucs vénéneux, les enlacements brusques, les bonds, les caresses, les spasmes, les convulsions extatiques et les heurts désordonnés de Maxime et de Renée, «goûtant l'inceste», roulés sur les grandes peaux

Weitere Kostenlose Bücher