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Emile Zola

Emile Zola

Titel: Emile Zola Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edmond Lepelletier
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antique, comme le Colosseo et le Panthéon d'Agrippa, il n'y a rien à voir pour l'artiste, dans cette cité, qui n'est même plus vieille.
    Il y a sans doute quelques jolis coups d'oeil à donner vers les rues étroites et pittoresques des bords du Tibre jaunâtre ; le panorama découvert des terrasses du Pincio est intéressant et la campagne romaine, aux solitudes suspectes, a un aspect lépreux, désolé, excommunié, qui n'est pas dénué de caractère. Mais la ville fameuse est belle surtout dans l'imagination, et ne justifie le voyage que parce qu'il est élégant, pour un touriste, et convenable, pour un artiste, d'avoir vu Rome. Vision nulle et déplacement inutile cependant. Les monuments n'y existent pas. Est-ce le crime des Barbares ou des Barberini ? Le résultat est le même pour le regard, pour la pensée.
    Les églises ont toutes la valeur architecturale de notre Saint-Roch, ou d'autres hideux édifices jésuitiques, à portail et à frontons Louis XV, rappelant les pendules artistiques en simili-bronze qu'on fabrique à la grosse, rue de Turenne. Des dômes, des coupoles, pas un clocher. Les places, les fontaines ont l'allure rococo. L'odieux Bernin triomphe partout. Saint-Pierre, malgré Michel-Ange, a l'aspect d'une grosse volière. L'art, à Rome, s'est réfugié dans les chapelles, dans les galeries. L'intérêt artistique de la prétendue capitale de l'éternelle beauté, où l'on a la sottise d'envoyer se perfectionner dans leur art, et y conquérir la maîtrise, les apprentis peintres, sculpteurs, musiciens, -étudier la musique à Rome, cela a l'air d'une ironie chatnoiresque !-est donc tout à fait indépendant du sol romain. Transportez, comme le général Bonaparte et le commissaire Salicetti le firent, la plupart des chefs-d'oeuvre enfouis dans les loges, les galeries, les couvents de cette ville dévastée, dotez Montrouge ou Grenelle des oeuvres accumulées sur les bords du Tibre par les princes de l'Église et vous aurez Rome. C'est un magasin de curiosités qui pourrait être véhiculé et déballé, sans perdre de son prix, sur n'importe quel point du globe.
    La vie romaine en soi est dépourvue d'intérêt. Le fameux Corso est encore plus désillusionnant que la Cannebière. C'est une rue sombre, avec des trottoirs où l'on ne peut passer quatre de front. Des encombrements de voitures, allant au pas, sur une seule file, lui donnent l'aspect de notre rue de Richelieu, sans l'élégance des boutiques. Ce Corso célèbre, c'est la grand'rue d'une préfecture de seconde classe.
    Des orchestres ambulants, composés de trois ou quatre grands diables venus d'Allemagne, et soufflant dans des cuivres, par moment, donnent un peu de vie aux places silencieuses. Dans les boutiques, étroites et sombres, des femmes mafflues, lourdes, aux formes junoniennes, s'écrasent, marchandes, sur la banquette des comptoirs, lasses dès la matinée, répondant d'un ton endormi aux demandes de la clientèle, ou se trainent, visiteuses, devant les étoffes nonchalamment déployées. Aucun endroit gai, réunissant femmes de fête et gens de plaisir. Des cafés, dont quelques-uns fastueux, tout en marbre et en mosaïque, comme le café Colonna, avec de rares consommateurs, voyageurs de commerce désoeuvrés ou officiers du poste voisin, au palais législatif de Monte-Citorio, prenant des granits avec mélancolie. Dans les rues, un peuple ennuyé, découragé, manifestant l'inquiétude, et le peu d'entrain du promeneur sans le sou. Sauf peut-être pour ceux qui fréquentent les salons discrets, malveillants et monotones de l'aristocratie appauvrie ou des prélats réduits à la portion congrue, l'existence n'est pas gaie pour le voyageur. S'il est de bonne foi, s'il ne connaît pas le mensonge habituel à l'homme qui voyage pour avoir voyagé, s'il ne ressemble pas au visiteur crédule de la fallacieuse baraque foraine, qui sort en affectant d'être satisfait, afin d'entraîner des imitateurs, et de ne pas être seul à avoir été trompé, il dira, il pensera au retour : Rome ? une mystification, une expression pour touristes !
    Mais les souvenirs évoqués par cette ville, qualifiée d'éternelle, sont si imposants ! N'y foule-t-on pas la poussière de gloire des anciens maîtres du monde, et, à chaque pas ne semble-t-on pas descendre dans le passé, et revivre la vie antique ? Là encore, la désillusion est profonde.
    L'antiquité ne se retrouve, à Rome, que dans l'érudition de ceux qui la

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