Emile Zola
sentine, cette cuvette aux miracles. «Un bouillon de cultures pour les microbes, un bain de bacilles», a dit Zola. On ne change pas souvent, en effet, le jus miraculeux, et des milliers de perclus et de variqueux, aux bobos coulants, de l'aube naissante à la nuit close, viennent y tremper leurs purulences.
Il a pareillement décrit, avec la magnificence de son verbe, le paysage poétique et impressionnant, les processions qui se déroulent, avec des allures de figurations d'opéra, et l'enthousiasme des foules attendant, voulant le miracle. C'est un des livres les plus lyriques de ce grand poète en prose, un Chateaubriand incrédule, par conséquent plus fort, plus inspiré que l'illustre auteur du Génie du Christianisme, que sa croyance portait et dont la foi surexcitait le génie.
La grotte de Lourdes,-ce retrait galant, où l'humble Bernadette surprit, en compagnie d'un officier de la garnison voisine, une dame aimable, laquelle, pour terrifier la bergère et lui ôter l'envie de raconter, ou même de comprendre le miracle tout physique qui était en train de s'accomplir sous ses yeux ébahis, s'imagina de se faire passer pour la Reine des cieux,-Zola toutefois a contesté cette anecdote,-peut servir à expliquer bien des miracles du passé. À cet égard, cette salle de spectacle religieux appartient à l'histoire, à la science, à la critique, donc au roman expérimental, comme l'entendait Zola. Le miracle et la superstition sont des phénomènes morbides, dont les ravages peuvent être comparés à ceux de l'alcoolisme, de l'industrialisme, de la débauche et de la guerre. L'auteur de l'Assommoir, de Germinal, de Nana et de la Débâcle devait s'en emparer, et en donner la vision saisissante et colorée.
Il trouvait un nouveau champ d'observation fécond dans ce laboratoire de prodiges en plein vent, qui fonctionne au centre du vaste entonnoir pyrénéen, avec la grotte qui flamboie, la piscine qui gargouille, la foule qui geint, prie, se bouscule, s'émeut, chante des cantiques et pousse vers le ciel une clameur effrayante de supplication : Parce, Domine ! tandis que le Gave, au bas du chemin enrubannant la basilique triomphale, roule son écume retentissante sur le diamant noir des roches polies, avec, au-dessus, la pureté de l'air bleu, où les cierges tremblotants versent leurs larmes jaunes.
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Rome est inférieure à Lourdes. Ce n'est pas le meilleur ouvrage de Zola, ce gros tome de 731 pages serrées, amalgame d'un guide genre Baedeker, d'un traité de christianisme libéral, et d'un noir roman, à la façon d'Eugène Sue.
C'est une ville morte que la Rome moderne ; malgré son souffle puissant, Zola n'a pu la ranimer. La gloire légendaire de l'ancienne capitale du monde l'attirait. Il est probable qu'il a éprouvé une désillusion vive, quand, depuis, il l'a parcourue, sondée, examinée avec la loupe prodigieuse de son oeil de myope. Cette déconvenue se sent, se devine dans ce livre, malgré l'habileté de l'auteur, et l'aisance avec laquelle il promène son personnage, l'abbé Froment, par tous les quartiers de la Rome antique, papale et moderne.
Le procédé, renouvelé de la Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, si majestueusement employé dans le Ventre de Paris, paraît ici un peu usé et faiblard. L'anthropomorphisme architectural, animant les bâtisses et mêlant l'âme humaine à la solitude des édifices, lasse et n'étonne plus dans cet itinéraire.
La description minutieuse des rues et des édifices de la ville est peu intéressante. C'est qu'il est difficile, malgré la légende, malgré les préjugés, de trouver Rome une ville digne d'être admirée, et même étudiée. Son paysage ne vaut pas celui de Florence et de Fiesole, son décor n'est pas comparable à celui de Venise, son mouvement moderne est inférieur à l'activité de Milan. On ne regarde Rome qu'à travers la vitrine de l'histoire. C'est une de ces pièces paléontologiques, comme on en conserve dans les Muséums, et devant lesquelles les badauds défilent, les dimanches, avec des yeux ébahis, en dissimulant un bâillement. L'admiration pour Rome est toute factice. Elle est chose convenue, et l'on craindrait de passer pour un barbare et un ignorant si l'on déclarait, que, en dehors des collections artistiques, des richesses picturales et sculpturales gardées dans les galeries, dans les palais, au Vatican, et en mettant à part deux ou trois vestiges de la gloire
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