Emile Zola
de sa taille, pendant le bal, l'élu de l'imagination et du souvenir parmi tous ceux qui se sont disputé les roses de son bouquet. C'est tout à fait inoffensif.
Celle qui m'aime, vision foraine, tableau populaire, avec une tendance satirico-philosophique, est d'une facture plus virile. Il y a comme un souffle précurseur de ces foules de l'Assommoir et de Germinal, que fera mouvoir si puissamment, un jour, l'auteur débutant. Il a lu probablement Germinie Lacerteux, quand il a imaginé ce conte.
La scène de racolage est écourtée, insuffisante, mais déjà indique une tendance à l'observation. Il y a une ironique tristesse dans l'exclamation des hommes de conditions diverses rencontrant la fille banale et son amoureux de hasard, les saluant de l'apostrophe uniforme : «Eh ! Eh ! c'est celle qui m'aime !»
La malédiction mesurée du toqué compteur d'étoiles a de la verve : Savez-vous combien coûte une étoile ? Sûrement, le bon Dieu a fait là-haut une grosse dépense, et le peuple manque de pain, monsieur !...
À quoi bon ces lampions ? Est-ce que cela se mange ? Quelle en est l'application pratique, je vous prie ? Nous avions bien besoin de cette fête éternelle ! Allez Dieu n'a jamais eu la moindre teinte d'économie sociale !...
La Fée amoureuse, qui veille sur les amants, ferme les yeux et les oreilles des gens qui n'aiment plus, et change deux êtres qui s'adorent en tiges de marjolaine, rentre dans le fantastique gracieux, un peu romance 1820 et sujet de pendule.
Dans le Sang, la guerre est maudite, le supplice de Jésus est évoqué, et l'état militaire peu flatté :
Fils, dit à son réveil Gneuss, le soldat, debout devant ses compagnons attentifs, c'est un laid métier que le nôtre. Notre sommeil est troublé par les fantômes de ceux que nous frappons. J'ai, comme vous, senti, pendant de longues heures, le démon du cauchemar peser sur ma poitrine. Voici trente ans que je tue, j'ai besoin de sommeil.
Laissons là nos frères. Je connais un vallon où les charrues manquent de bras. Voulez-vous que nous goûtions au pain du travail ?...
-Nous le voulons ! répondent les antimilitaristes précurseurs, qui, après avoir creusé un grand trou au pied d'une roche, enterrent leurs sabres et disparaissent au coude d'un sentier, où il ne passe jamais de gendarmes.
Les Deux Voleurs et l'Âne, badinage au bord de la Seine. Une jeune femme, Antoinette, est disputée par deux concurrents. Ils vont se couper la gorge, quand Léon, le troisième larron, enlève, à leur barbe, la jeune personne, que l'auteur compare ainsi à l'Aliboron du fabuliste. Peut-être, dans l'histoire naturelle, par exemple dans l'ornithologie, aurait-il pu trouver une plus aimable ou plus usitée comparaison.
Soeur des Pauvres et les Aventures du Grand Sidoine et du Petit Médéric sont les deux pièces les plus importantes du recueil. C'est Soeur des Pauvres que l'auteur remit à M. Hachette, pour le Journal de la Jeunesse : on sait qu'il n'accepta pas ce conte, jugé trop triste, trop âpre de ton, pour un recueil juvénile.
C'est un assez long récit fantastique, satirique, à prétentions philosophiques, que celui des aventures du grand Sidoine et du petit Médéric, se dirigeant vers le royaume des Heureux, où règne la fée Primevère. Une vague imitation de Candide et de Gulliver se retrouve en ce récit, plus enfantin que moraliste. C'est ce papier-là que Zola aurait dû remettre à M. Hachette, pour son Journal de la Jeunesse.
Les Contes à Ninon ont été réédités, en 1906, chez Fasquelle, sans grand succès. Ils sont intéressants à parcourir, comme document biographique, comme point de comparaison.
Après cette publication, Zola débuta dans la presse quotidienne par quelques articles qu'accepta le Petit Journal, et aussi par des articles de critique littéraire et de critique d'art, qui furent, par la suite, réunis en volume, sous ce titre : Mes Haines qu'ils ne justifiaient guère. Le livre était plus tapageur que réellement haineux. Il attira l'attention du public spécial ; il irrita nombre de peintres et de sculpteurs, notamment par l'éloge de Manet, ce grand artiste était alors nié et bafoué, et par l'apologie de l'école réaliste ou impressionniste.
Le terme n'était pas encore usité, ni même inventé, mais l'impressionnisme existait, avec l'auteur d'Argenteuil et du Bord de l'eau, avec Pissarro, Sisley, Renoir, Berthe Morisot, Degas, Caillebotte,
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