Emile Zola
on fumait des pipes ensemble, voilà tout. Avec Marius Roux, seulement, Zola eut une collaboration dramatique locale, les Mystères de Marseille, drame, sans grand éclat.
Le second groupe, celui des Batignolles, composé d'hommes dont plusieurs connurent la gloire, a plus d'intérêt. Il était formé d'autres éléments que ceux de la camaraderie lycéenne et régionale. Ce fut surtout un groupe artistique. Le provençal Cézanne enchaîna les deux cénacles. Peintre chercheur, épris de nouveauté, Cézanne s'était lié avec des artistes parisiens, alors peu connus, surtout médiocrement appréciés, plutôt bafoués, mis hors des Salons officiels, tenus à l'écart des commandes ministérielles, et que déjà l'on commençait à désigner sous le nom d'Impressionnistes.
Ces peintres, dont les toiles étaient dédaigneusement refusées par les marchands de la rue Lafitte, qui auraient cru déshonorer leurs vitrines en les exposant, mais qui devaient, par la suite, presque tous devenir les favoris des commissaires-priseurs et les bénéficiaires nominaux des grosses adjudications à l'hôtel Drouot, se nommaient Édouard Manet, Renoir, Pissaro, Guillemet, Claude Monet, Fantin-Latour et Degas, le dessinateur des danseuses aux tutus en éventail s'arrondissant au-dessus des crosses de contrebasses.
Durant cette période suffisamment laborieuse, mais qui fut, en quelque sorte, le temps d'incubation littéraire du futur romancier, Zola s'éparpilla en diverses besognes, plus ou moins lucratives. Il donna, sans grande réussite, un roman populaire, les Mystères de Marseille, d'où fut tiré, en collaboration avec Marius Roux, un drame éphémère. Représenté au Gymnase de Marseille, sous la direction Arnauld, il eut quatre représentations mouvementées. Le roman, véritable feuilleton à la Ponson du Terrail, était inférieur aux productions similaires. En littérature, le fameux axiome, qui peut le plus peut le moins, n'est pas vérifié. Dans l'art des Richebourg et des Montépin, Zola se montra tout à fait secondaire. Ce feuilleton, qui fut, par la suite, repris par un journal parisien, à grosse influence, le Corsaire, dirigé par Édouard Portalis, ne réussit pas davantage à sa réapparition, malgré une publicité considérable et un lancement excellent. Le roman populaire, dédaigné des lettrés et des snobs mondains, qui parfois, secrètement, prennent grand plaisir à en suivre les péripéties, n'est pas aussi aisé à confectionner qu'on le prétend. L'exemple de Zola est là pour démontrer que le talent n'est pas universel, et que la descente vers le bas et le vulgaire est, pour certains, aussi difficile que l'ascension vers le raffiné et le sublime.
Ici et là, le patient et opiniâtre producteur colportait les produits de sa plume. Il fit accepter un «Salon» au journal occasionnel, la Situation, que dirigeait un journaliste de talent, Édouard Grenier. On y défendait les intérêts très compromis du roi aveugle, Georges de Hanovre, dont le royaume était livré aux crocs du dogue Bismarck. Une étude intéressante sur Édouard Manet, que publia l'élégante revue d'Arsène Houssaye, l'Artiste, des articles de critique littéraire dans le Salut Public de Lyon, marquèrent les années 1866-67-68. Une comédie en un acte, en prose, dont quelques scènes avaient été primitivement versifiées, ayant pour titre la Laide, fut achevée, présentée à l'Odéon et refusée. Elle n'a jamais été jouée. Qu'est devenu ce manuscrit inédit ? Mystère.
Zola présenta également au Gymnase (de Paris) un drame en trois actes, Madeleine. Refusée, cette pièce fut transformée en roman : c'est Madeleine Férat, qui a été réimprimée depuis. Elle avait paru en feuilleton sous le titre de : la Honte. Ce roman souleva des protestations ; le journal dut en interrompre la publication.
Toute une série d'insuccès, voilà le bilan de ces années d'attente. Un autre se serait découragé, eût peut-être cherché un nouvel emploi, donnant la sécurité mensuelle, et eût renoncé à la littérature, ou du moins n'y eût consacré que les heures de liberté. Zola ne voulait rien sacrifier de son indépendance. Il se remit, avec plus d'opiniâtre entrain, à sa table de travail, fuyant la servitude bureaucratique et bravant l'incertitude du lendemain.
Il vivait isolé, cantonné dans son cercle fermé de camarades, comme lui, pauvres, inconnus, sans entregent. Aucun de nous, je parle de la jeunesse
Weitere Kostenlose Bücher