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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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insupportable, les murs ayant beaucoup chauffé
durant le jour. M’avisant toutefois par l’éclat de la lune qu’elle au moins me
pourrait tenir compagnie – comme elle fit autrefois, de si caressante
guise, à Endymion en sa grotte –, nu comme j’étais, je chargeai ma paillasse
sur mes épaules et la montai jusque sur la terrasse, où les dalles étaient
tièdes encore, mais l’air plus vif et plus frais. Cependant, cet effort m’ayant
couvert de sueur, je retournai dans la chambre, me jeter de l’eau sur tout le
corps et, que me pardonne l’oncle Sauveterre ! me pulvériser d’un parfum
que la Thomassine m’avait baillé. Ainsi rafraîchi, je remontai à la terrasse
non sans avoir fait du bruit davantage en mes allées et venues que je n’aurais
désiré.
    Ha, que belle et blanche me parut
Montpellier sous la lune, et superbes ses terrasses étagées, et amical, son
silence, car plus rien ne s’entendait, à cette heure, de la rumeur du jour. Ni
appels stridents de vendeurs à la criée, ni bruits de bottes sur les pavés
disjoints, ni bourdonnement de jaseries, ni cahotant charroi, ni sabot de
cheval, chacun étant retiré en sa chacunière, derrière des portes bien closes.
Cependant, si atendrézi que je fusse par la beauté de cette ville unique, ce
plaisir se gâta vite par le fait que je n’avais personne pour le partager. Et
au bout de peu de temps, je me retrouvai d’autant plus seul, avec mon triste
moi, que je venais d’apercevoir, brillant sous la lune, le clocher de
Saint-Firmin, lequel me fit penser à l’Aiguillerie, et l’Aiguillerie, à la
Thomassine, occupée, comme bien vous l’imaginez, derrière les rouges rideaux de
son lit. Ce qui ne me plut guère, à la réflexion ; et moins encore que ce
fût avec un papiste.
    Je gagnai ma paillasse et m’y
laissant choir, je croisai mes mains sous ma nuque, et la mort du pauvre
Rondelet aidant et ma solitude aussi, je tombai dans un grand pensement de ma
petite Hélix, laquelle j’avais aimée de si tendre amitié. Or, contaminé à la
longue par le sentiment si vif et si naïf qu’elle avait eu pour moi de son
vivant, je nourrissais pour elle depuis peu, au rebours du temps, une vaine et
âcre amour qui me faisait grand mal, puisque son absence en ce monde ne la
pourrait jamais satisfaire.
    — Mais ventre
Saint-Antoine ! m’écriai-je à voix haute en me dressant sur mon séant, de
cette mélancolie, point ne veux ! Car elle est la mère de toutes les
intempéries du corps, et tout bon médecin doit commencer à se guérir
lui-même !
    Ayant dit, je me levai, et nu que
j’étais, marchai de long en large sur la terrasse et, quoique j’eusse la gorge
nouée, je levai la tête et, serrant les poings, les campai sur mes hanches,
dans l’attitude que j’avais prise à mon père. Ce qui me fit quelque bien, je
gage, mais davantage, tandis que je faisais demi-tour, l’apparition, par la
porte de la guérite qui protégeait l’escalier, de la Fontanette, pieds nus, en
chemise, le cheveu dénoué sur ses épaules nues.
    — Ha, mon noble moussu !
dit-elle fort effarée, mais non pas tant de l’appareil où j’étais qui ne lui
était pas déconnu : Que bizarre, votre déportement ! Quel
remue-ménage est-ce là en votre chambre et au-dessus de ma tête ?
Êtes-vous lunatique, que vous voilà nu comme la main, couchant comme sauvage en
Arabie à l’enseigne de la lune, sans un toit pour vous protéger, exposé à la
contagion de l’air et la pestilence de la nuit ! Vous allez la mort
attraper !
    — Ha, Fontanette ! dis-je,
fort aise de l’envisager en son charmant désordre, la contagion de l’air n’est
que superstition vulgaire, la nuit est bonne à respirer tout autant que le
jour, et bien plus fraîche et rebiscoulante, si le jour est torride.
    — Certes, dit-elle, je ne suis
que sotte embéguinée, ne sachant point lire ni écrire, et vous moussu, êtes
déjà fort savant médecin, parlant latin et lisant de gros livres. Toutefois, je
tiens de ma mère, et de ma grand’mère, que la lune est le soleil des lièvres,
lesquels sont fous, comme chacun sait, à voir les grands sauts qu’ils font dans
les herbes. Et chez nous, on dit aussi que la lune est folle en mars, et si
hors de ses sens elle est, ne peut-elle vous rendre lunatique au point de
l’aller adorer tout nu et tout seul sur un toit, au lieu de dormir dans votre
chambre comme un chrétien ?
    — Fontanette, dis-je en me
gaussant, mais

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