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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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pour nous dire :
    — Au nom du Seigneur Adonaï,
amen.
    À quoi, Luc ajouta, la gorge serrée
et la voix éteinte, car le grand trouble où était son père ne lui avait pas
échappé :
    — Et du fils et du
Saint-Esprit, amen.
    Cependant, au lieu de nous commander
de nous asseoir, et de prendre place à son tour, Maître Sanche resta debout et,
avançant la main comme à regret vers le papier qu’il avait posé sur la table,
il le déplia avec un tremblement des doigts et dit d’une voix fort basse :
    — Ha, Monsieur le Bachelier
Fogacer ! Mes beaux neveux ! Mes beaux enfants, et vous, madame mon
épouse ! Triste de moi, qui vous dois lire cette funèbre lettre, et
tristes de vous qui la devez ouïr ! Mais à vrai dire, je ne vous la lirai
pas. Le cœur me fault. Je vous en dirai la substance, et c’est assez.
    Le papier tremblant toujours entre
ses doigts, et les larmes roulant de ses yeux, Maître Sanche poursuivit, encore
que d’une voix plus ferme, comme s’il avait honte de la faiblesse qu’il faisait
paraître :
    — Cette lettre est de mon grand
et docte ami, le jurisconsulte Coras de Réalmont en Albigeois, lequel étudia
les lois en Montpellier, durant le même temps où j’y étudiai l’apothicairerie,
et le chancelier Rondelet, la médecine.
    — Rondelet ! s’écria
Fogacer comme saisi d’effroi. Il s’agit de lui ?
    — Mais lisez, Fogacer,
lisez ! dit Maître Sanche, tout soudain défaillant. Je ne saurais parler
plus outre !
    Et lui tendant la lettre par-dessus
la table, il se laissa tomber sur son escabelle, se testonnant sauvagement la
barbe de ses deux mains tremblantes.
    Fogacer, son nez d’aigle pâle et
pincé, et ses sourcils arqués, lut la lettre en silence, laquelle était en
latin comme je m’en aperçus en jetant un coup d’œil par-dessus son épaule.
Pendant ce temps, voyant le grand pâtiment qui travaillait Maître Sanche, mon
bien-aimé Samson, ange de Dieu qu’il était, s’approcha de l’apothicaire et posa
la main sur son épaule, audace qui fut bien reçue, car Maître Sanche
incontinent sur cette main plaça la sienne et cessa de tourmenter sa barbe.
Luc, lui aussi, vint au plus près de son père, mais si grand était le respect
qu’il éprouvait pour lui qu’il n’osa le toucher. Typhème, en son coin,
pleurait, non tant de l’appréhension de ce qu’elle allait ouïr, que du grand
émeuvement où elle voyait Maître Sanche, tandis que Dame Rachel, se suffisant à
soi, pimplochée à ravir en sa royale grâce, pas un poil ne passant l’autre en
sa coiffure, était assise, sereine et coite, l’œil aussi sec que la splendide
agate dont il était taillé.
    — Voici ce que Maître Coras
nous mande, dit enfin Fogacer, la voix basse et la contenance fort triste. Je
ne le lis point : je le résume. Comme il était, hélas, à prévoir, comme je
l’avais moi-même prévu à son département, M. le Chancelier Rondelet fut fort
travaillé de son intempérie, tant au cours de sa chevauchée par combes et pechs,
jusqu’à Thoulouse, que pendant son séjour en cette ville, où il trouva en outre
une chaleur accablante et souffrit une excessive fatigue à consulter les
légistes pour démêler les affaires de ses beaux-frères. Il achevait à peine ces
consultations et pensait enfin à se reposer quand il reçut de Coras –
lequel ne savait rien de la maladie de son ami – une lettre où le
jurisconsulte le suppliait de venir à Réalmont soigner sa femme subitement
tombée en un mal grave et déconnu. Rondelet, encore que son intempérie depuis
son arrivée à Thoulouse eût beaucoup empiré, se résolut incontinent, malgré les
représentations de ses beaux-frères, et accablé comme il était d’une fièvre
ardente, à départir pour l’Albigeois. Ce qu’il fit le matin même où il reçut la
lettre de Coras, quasiment à bout de forces, et grelottant. Il faut un jour de
cheval de Thoulouse à Réalmont. Rondelet en mit deux, se traînant de gîte en
gîte, tenaillé de douleurs d’entrailles et d’un flux de ventre continuel.
Arrivé à Réalmont, il eut encore la force d’examiner l’épouse de Coras, de
discerner la racine de son mal, et de prescrire une curation qui, d’ailleurs,
la guérit. Mais à peine fut-elle sur pied que l’illustre médecin se coucha,
pour ne plus se relever. Jugeant lui-même son état désespéré, il refusa tout
remède, dicta à un notaire un arrangement de ses affaires terrestres, et
consacra

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