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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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auxquels
nombre d’entre eux restaient fidèlement attachés. De ce M. d’Assas et de sa
neuve particule (mais mon grand-père de Rouen n’avait-il pas fait de même en
son temps ?) les papistes en la ville s’étaient gaussés beaucoup avant que
de s’y accoutumer, le temps aidant. Quant aux huguenots, trop austères certes,
pour rire d’un nom, ils se désolaient de ce que M. d’Assas fût si tiède
réformé, car il se rendait fort peu au culte, arguant que chevaucher lui fatiguait
la fesse, le temple étant si loin.
    Ha ! Quand je mis pied à terre
et que je le vis en son riant jardin par ce clair et beau soleil, venant à moi
les mains tendues, me donnant une forte brassée, et respirant par tout son être
la bénignité et la tolérance, comme je l’aimai, M. d’Assas ! Tout en lui
était rond : la tête, la face, les épaules, la bedondaine, l’âme et le
cœur aussi. Et sur ces rondeurs, bien différentes de celles de feu le
Chancelier Rondelet, les épines de la vie avaient glissé sans les meurtrir,
d’Assas ayant souffert mêmes deuils répétés que son beau-père, perdant deux
épouses et quatre enfants sur six, mais à chaque fois, après tant de larmes
versées, renaissant de ses cendres, serein, et empli d’une joie à vivre qu’il
tirait perpétuellement de soi comme le muscat de ses tonneaux.
    Et qu’en effet, à le mieux
connaître, le buveur était, en quelque guise, en grande affinité avec sa
boisson. Car le Docteur d’Assas était, en sa personne, doux, suave et
fruité ; un vrai nectar d’homme, indulgent à soi, indulgent aux autres,
tendre à tous, pardonnant un chacun, ne se voulant pas d’ennemis, cherchant
avec tous des accommodements ; et aussi, s’il faut le dire, puisque à
toute médaille tout revers – fort peu enclin à se donner peine, même en
son art, ayant peu fiance en la médecine, comme il m’apparut vite, et n’aimant
rien tant que le ménagement de sa bonne vigne de Frontignan – qu’à vrai
dire, il prisait plus haut que le Roi son royaume.
    Nous ayant fait asseoir à l’ombre en
son aimable jardin, M. d’Assas nous fit mille compliments, commanda à son valet
de rafraîchir nos montures, et à sa jeune chambrière de nous apporter des
gâteaux et de son vin. Ce qu’elle fit, tout sourires, œillades, et joliesse en
ses moindres mouvements, brune mignote qu’elle était, longue et souple comme
une liane, avec de grands yeux verts pointillés d’or et une grâce languide et
comme italienne : bref aussi bonne à voir que ses gâteaux à gloutir, y
étant sur une petite table entre nos jambes quantité de petites tartelettes à
vous lécher les doigts, et dont je fis incontinent une fière bâfrée, et Fogacer
aussi, le Docteur d’Assas souriant bénignement de nous voir si friands et si
dévorants après notre longue chevauchée. Il était assis à l’aise en son
fauteuil, dodelinant gaiement du chef – et plaise le lecteur ne pas se
fâcher ni le prendre à mal – de-ci de-là baritonant du cul. Car, à dire la
vérité, et bien que ses manières fussent si honnêtes, il pétait fort et
souvent, encore que d’une façon non puante, ayant bonnes et fraîches
entrailles, et rejetant par l’anus l’air qu’il aspirait en trop par la bouche,
étant accoutumé, Dieu sait pourquoi, à bâiller entre chaque phrase comme
poisson hors de l’eau.
    Quand je fus à demi plein (car en
mes vertes années, il n’y avait point de fond à ce gouffre-là) M. d’Assas me
dit, mangeant et buvant lui aussi :
    — Monsieur – mais quittons
le monsieur, je vous appellerai Pierre, tant vous me plaisez déjà, ayant mine
si franche –, vous me pardonnerez (ici il bâilla avec une bien étrange
aspiration d’air et un son fort curieux comme s’il disait « Haamm »)
mais je vous prie, mangez, cependant que je parle, mangez et buvez, seuls les
vifs mangent et boivent, les morts n’ont plus d’appétit que pour Dieu, et Dieu
étant éternel, pourquoi serions-nous si pressés de le rejoindre ? –
Pierre, vous me pardonnerez de vous poser sur la médecine quelques petites
questions (ici, soulevant la fesse senestre, il péta) mais il le faut, puisque
je dois opiner là-dessus par écrit sur commandement de notre aimable chancelier
(Haamm) et je m’en vais, Pierre, incontinent vous sonder (Haamm) sur le mal
italien, puisque le mal italien est, paraît-il, votre point fort (il rit).
Pierre, le mal italien est-il intempérie froide et

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