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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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vide on
avait disposé des fauteuils et des escabelles, où siégeaient, m’attendant,
Anne, ses frères, ses sœurs, M. de Joyeuse entouré de ses principaux officiers
(Cossolat restant debout derrière lui) et, à mon considérable émoi, la belle M me de Joyeuse qui, si haute et si noble qu’elle fût, avait daigné assister à ce
guerrier spectacle, parée comme une reine et d’ailleurs se prenant quelque peu
pour telle, appelant ses compagnes ses dames d’atour, lesquelles, presque aussi
ornées que leur maîtresse, étaient bruissantes de soie, semées de perles et
pulvérisées de parfums.
    Je présentai mes respects à M. de
Joyeuse point trop gauchement à ce qu’il m’apparut. Je baisai la main ornée de
bagues de M me de Joyeuse, n’empêchant pas mes regards de lui dire,
ce faisant, les sentiments que sa beauté m’inspirait.
    Je ne laissai pas pour autant, dans
les premiers temps, d’être assez vergogné de parler devant une aussi magnifique
assemblée, mais dès que je fus un peu échauffé par mon sujet, j’en oubliai où
j’étais et ne pensai plus qu’à raconter le mieux du monde cet exploit qui valut
au royaume d’être délivré des derniers Anglais accrochés à son sol, et à mon
père, sa Baronnie.
    J’avais demandé au cyclopéen Balsa
de me prêter pour l’occasion l’insigne de son pouvoir (ce à quoi il répugna
beaucoup, mais finit par consentir, ne sachant comment s’y prendre pour me le
refuser) et c’est armé de sa longue baguette que je dirigeai Miroul, assis,
fluet et souple, sur le parquet, et lui indiquai, en les touchant, les soldats,
anglais ou français, qu’il fallait déplacer, selon les péripéties de la
bataille et du récit que j’en faisais – lequel je menais tambour battant,
imitant le ton vif, gaillard et expéditif qu’avait pris mon père pour en faire
le conte à Mespech.
    Espoumel m’avait fabriqué des petits
canons que j’avais peints de la couleur du bronze, et ceux-ci, au commandement
de ma baguette, tirèrent des amorces qui firent sourire M. de Joyeuse et ses
officiers, mais émerveillèrent d’autant plus Anne et ses frères qu’au moment où
mes couleuvrines tournèrent, Miroul avec beaucoup d’adresse détacha à l’aide
d’un long fil tout un pan de mur à la base de la citadelle. Si bien que pour
peu qu’on s’en tînt à la crédulité de l’enfance, mes canons avaient tout
soudain ouvert une brèche dans la pierre du château. « Ha, dit le petit
Anne, rouge de bonheur et frappant dans ses mains, ha, Monsieur de Siorac,
c’est merveille ! Et maintenant sus, sus à ces maudits
Anglais ! »
    — Tenez, Monsieur, dis-je en
lui tendant ma baguette, faites-moi l’honneur de commander vous-même
l’assaut ! Sur quoi, bondissant sur ses pieds et criant « Sus !
Sus ! », il toucha du bout de sa baguette quantité de soldats
français que Miroul engouffra dans le trou du rempart.
    — Eh tout doux, Monsieur mon
fils ! s’écria M. de Joyeuse, ne vous dégarnissez pas tant ! Il vous
faut des réserves pour secourir les troupes que vous avez engagées. La ville
n’est pas prise encore. La citadelle seule est à vous. Et il n’est pas dit que
vous allez vous y maintenir.
    Ceci donnant à penser au petit Anne,
il se tourna vers moi d’un air naïf, joli et sérieux que je ne laissai pas
d’admirer. Mais il est vrai que son éclatante beauté, déjà insigne en son jeune
âge, donnait un grand prix à sa moindre mine.
    — Monsieur de Siorac, dit-il de
sa voix douce et musicale, combien d’hommes Monsieur le Duc de Guise
engagea-t-il dans l’assaut de la citadelle ?
    — Cinq cents et bon nombre de
gentilshommes.
    — Dont Monsieur votre père
était, si bien je me ramentevois, dit M. de Joyeuse, avec beaucoup de courtoisie.
    À quoi fort touché, je répondis sans
mot dire, par un profond salut.
    — Et Monsieur de Guise ?
dit Anne.
    — Monsieur de Guise, dis-je,
conduisit l’assaut, mais, la citadelle prise, il repassa le bras de mer avec de
l’eau jusqu’au cou pour se retrouver avec le gros de ses troupes.
    — Ha ! si j’avais été de
lui, dit Anne avec pétulance, je serais resté dans la citadelle afin de
pénétrer le premier dans la ville !
    À quoi ne sachant que répondre, je
regardai M. de Joyeuse, lequel dit avec gravité :
    — Non, Anne, cela ne se
pouvait. Les cinq cents Français qui avaient pris la citadelle étaient dans une
position très aventurée, la ville étant tenue

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