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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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des Corbières ! Céans ! Avec deux garces ! Il nous
forcera !
    Et disant cela, elle envisagea
Miroul d’un air effronté, désirant peut-être le rendre jaloux ou le picanier
quelque peu. Mais Miroul, qui connaissait la mignote à fond, resta coi et
serein.
    — Espoumel, dis-je, en a fini
avec ses jours de caïman. Il n’a pas la tripe sanguinaire. Bien au rebours. Et
pour peu qu’on le traite bien et ménage sa fierté qui est grande – il sera
plus fidèle qu’un dogue.
    — J’y réfléchirai, dit la
Thomassine qui, bien que généreuse, était toutefois assez ménagère de ses
deniers, ayant été si pauvre en sa Cévenne et craignant de le redevenir en son
vieil âge, quand elle aurait cessé de plaire.
    La Thomassine s’accoisant, tous se
turent, mais que les regards, en ce silence, étaient actifs ! Samson
dévorait des yeux sa belle qui, par vergogne, gardait les siens baissés, mais
savait bien néanmoins qu’elle était fort espinchée par Cossolat. La Thomassine
m’envisageait à la dérobée et n’osait trop répondre à mes œillades de peur de
donner de l’humeur au capitaine des archers, encore que celui-ci sût fort bien
à quoi s’en tenir. Quant à l’Azaïs et Miroul, c’est à qui ferait le plus mine
de fuir l’œil de l’autre et je trouvais bien plaisant quant à moi le spectacle
de ces chasses et dérobades.
    — Siorac, dit Cossolat,
s’arrachant enfin à la contemplation de la belle Normande, satisfaites ma
curiosité ! Que faites-vous de toutes ces poupées de bois qu’Espoumel en
sa geôle sculpte pour vous ?
    — Ha ! Capitaine, dis-je,
c’est un secret, mais que je vais néanmoins vous confier, car je vous tiens
pour mon ami. D’aucunes de ces petetas je fais, par la peinture, des
Anglais. Des autres, par la même magie, des Français et Miroul me construisant
avec des cartons découpés les remparts et la citadelle de Calais, je compte
aller montrer un jour au petit Anne de Joyeuse comment Guise, Dandelot,
Sénarpon, mon père et quelques autres reprirent la ville aux Anglais, après
qu’elle eut été leur pendant deux cent dix ans.
    — Ha ! C’est une
émerveillable idée, dit Cossolat, Monsieur de Joyeuse en sera ravi et le petit
Anne plus encore, qui ne rêve qu’exploits et batailles. Quand dois-je demander
audience pour vous ?
    — J’aurai terminé le jeudi de
la proche semaine, dis-je, voyant son zèle, et combien il était heureux de
s’entremettre dans une entreprise dont quelque crédit pouvait rejaillir sur
lui.
    Cossolat parti avec ses archers
(qu’Azaïs dans la rue était allée rafraîchir), Dame Gertrude du Luc, l’œil
ferme mais la voix suave, demanda à m’entretenir en particulier. Sur quoi,
comme j’acquiesçais, l’Azaïs, sur un signe de sa maîtresse, qui n’aimait guère
cet aparté, nous amena dans une petite salle qu’elle appelait son parloir,
Samson, sans cependant ouvrir le bec, suivant notre départ d’un œil fort
étonné. L’huis à peine refermé. Dame Gertrude se jeta à mon cou :
    — Ha ! mon frère, dit-elle
en me donnant une forte brassée et sur la face mille petits baisers, que je
suis aise de vous voir et de vous témoigner dans le privé la tendresse
extraordinaire que je me sens pour vous, vous qui m’avez écrit tant de belles
lettres quand j’étais à Rome plongée en mes dévotions.
    — Madame, dis-je fort ému
qu’elle eût fiance assez en ses privilèges de sœur et en ma propre vertu pour
me faire tant de mignonneries, lesquelles, à dire le vrai, ne laissaient pas
que de me remuer, Madame, dis-je, la voix un peu étouffée et ma salive avalant
deux fois, je ne fus dans ces lettres que l’interprète de la grande amour que
mon bien-aimé Samson nourrit pour vous.
    — Ha ! certes, je le
sais ! dit-elle en m’éblouissant de son œil bleu azur et les mains
(qu’elle avait fort douces) refermées sur mes joues, mais ajouta-t-elle, les
mots étaient de vous, et si suaves, si délectables ! Assurément pour
trouver des formules aussi touchantes, il faut que vous aimiez aussi.
    — Non, Madame, je n’aime point,
dis-je, trouvant du péril à ce langage et n’osant ni ne voulant toutefois
dégager ma face de ses mains, ni mes yeux des siens.
    — Quoi ? dit-elle avec une
petite moue, cela serait-il possible ? N’y aurait-il pas quelque part
quelque chambrière dont vous vous seriez amouraché, tenant pour rien
l’infériorité du sang et du rang ?
    Ceci pour le

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