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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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il vit Miroul parmi
les valets qui allaient porter les sacs d’oranges à l’hôpital.
    Cossolat se retirait, ayant rétabli
l’ordre, quand un quidam passa, criant qu’il y avait un beau cortège qui
défilait rue de l’Espazerie et, la foule moutonnière y courant, j’y courus
aussi avec mes pairs. Et là, en effet, on vit une belle mascarade, et des
travestis dansant au son des tambourins, des guitares et des fifres. Tous et
toutes étaient masqués, les cheveux cachés, portant perruques, les uns costumés
en mariniers, brandissant des cordages et portant des paniers de poissons
(lesquels, Dieu merci, étaient en carton peint), les autres en Roumieux avec
des indulgences épinglées sur le dos, le ventre et les fesses, d’aucuns en
laboureurs, arborant les outils de leur état, et d’autres, enfin, qui étaient
des hommes, en femmes. Et encore que tous les travestis branlassent fort du
chef et de la tête en leurs habits bariolés, dansant, chantant, sautant,
poussant des cris étranges, les plus délirants de ce cortège étaient ceux qui
portaient perruques, talons et robes de demoiselles. Car ces
« quidam » se démenaient comme ribaudes en étuves, caquetaient,
gloussaient, se déhanchaient, battaient des cils, faisaient des moues
paillardes et s’approchaient des passants, avec des gestes et des mines
lubriques comme s’ils allaient les débragueter. Cela faisait rire le populaire
à ventre déboutonné, et encore que je n’aime pas qu’on donne de ce joli sexe
des portraits si ridicules, le spectacle nous aurait peut-être divertis, si,
apercevant notre troupe, ces fouilleuses ne s’étaient incontinent jetées sur
nous comme la misère sur le pauvre monde, criant bien haut que nous étions, à
coup sûr, les plus jolis droles de Montpellier, et qu’elles voulaient sur
l’heure que nous les épousions. Ce disant, elles se mirent avec des cris aigus
à nous palper par toutes les parties du corps sans en excepter celles qu’en
effet, on réserve aux femmes, tâchant de nous enlever nos masques, et de
glisser leurs mains sous nos robes. Le plus salace, le plus fol, le plus enragé
de ces paillards était une « femme » fort grande et fort mince qui
portait une perruque rousse et qui me serrait de si près que pour l’empêcher de
me mignonner la croupière, je dus lui envoyer du coude dans l’estomac, et
là-dessus, comme elle se rebéquait, je lui mis sur la joue mon poing, lequel,
la manquant de peu, arracha, néanmoins, son masque. Un temps très bref, le
temps qu’elle mit à le rajuster, j’aperçus sa face. Je n’en crus pas mes yeux
et je restai béant : j’avais reconnu Fogacer.
     
    *
    * *
     
    Après cette découverte dont je ne
sus trop que penser – ce qui est, je gage, une autre façon de dire qu’elle
me donnait trop à penser – je faussai compagnie aux travestis dont la
danse frénétique, au son des tambourins, ébranlait le pavé, et ayant ouï dire
autour de moi qu’il y avait sous la tour de la Barbote un grand rassemblement
de mannequins ridiculisant les notables, lesquels (je parle des mannequins),
portés à bout de bras, allaient faire le tour de la ville, précédés d’une
fanfare, je voulus les voir et, avançant non sans peine dans une presse
immense, Miroul en mon chemin me rejoignit je ne sais comment. Au pied de la
Barbote, dont on ne pouvait approcher tant la presse était grande à cause
desdits mannequins dont la malignité publique avait grand appétit à s’ébaudir,
je vis Samson qui, encore que je fusse masqué, me reconnut incontinent, et se
jeta dans mes bras sans mot piper, tant la rage le secouait. Fort étonné de le
voir en ce courroux tant était grande, et même excessive, la douceur de sa
complexion, je le pressai de questions, et enfin recouvrant sa voix, il me
dit :
    — Ha, mon Pierre ! Il y a
ici une infamie que je ne peux souffrir. Merdanson, Carajac, Gast et Rancurel
sont là. Ils enragent, eux aussi, à voir l’École ainsi défigurée, et notre très
illustre maître si cruellement ravalé.
    — Maître Sanche !
m’écriai-je. Qu’est cela et que lui fait-on ?
    — Siorac, dit Merdanson,
fendant la foule de ses larges épaules, suivi de ses lieutenants, Gast et
Rancurel, et de Carajac. Siorac, poursuivit-il en collant sa bouche à mon oreille,
c’est vilainie ! Ces merdeux de merde – plaise à Dieu que le Diable
en son enfer les embroche de par le cul, et que la diablesse embobine leurs
tripes sur ses

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