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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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si
nombreux.
    — Mais ! dit le légiste,
c’est que nous ne sommes céans que dix, et si ce chiffre ne vous effraie pas,
nous sommes vos hommes à la Taverne d’Or, sur les cinq heures.
    — Nous nous reverrons donc,
dis-je en les saluant, sur les cinq heures.
    Quand nos médecins ouïrent la
nouvelle que les légistes étaient derrière ce vilain coup, ils grincèrent des
dents et se voulaient ruer incontinent sur eux. Mais je leur remontrai qu’il y
fallait plus de manœuvre et de méthode, d’abord mettre nos masques et puis
aborder ces marauds d’un air riant et amical pour leur proposer de porter avec
eux le mannequin, et celui-ci, dès qu’il serait en ses mains, mon Samson le
mettrait en pièces, notre rôle à nous se bornant tout soudain à concasser les
légistes tandis que Samson ferait son œuvre pie avec la rage qu’on devine. Tout
se passa comme on l’avait prévu. On eut à plein le bénéfice de la surprise.
Avant que les légistes fussent revenus de leur étonnement, on les choqua si
roidement, pochant leurs yeux, fendant leurs mandibules, enfonçant leurs dents
en gueule, leur donnant du genou dans le nephliseh et du pied de par le cul
qu’ils furent tous les dix, sous nos assauts furieux, renversés comme porcs et
geignant à terre, tandis que mon Samson, beau en sa colère comme l’Archange
saint Michel, dégondait le mannequin, désossait les bras, brisait les membres,
déchirait la robe en charpie, piétinait le faux nez et la bouche et, battant le
briquet, mettait le feu aux débris. Et tout, en une minute, brûla, de l’œuvre
qui avait demandé aux légistes tant d’heures de venimeux labour.
    Mais certes, du Capitole la roche
tarpéienne est proche, car à l’heure même de notre triomphe, nous tombâmes en
grand péril. La foule, irritée que nous ayons détruit un si beau mannequin, et
pensant peut-être que nous en voulions aux autres, se mit à gronder autour de
nous de façon si menaçante que nous crûmes bien qu’elle allait nous réduire
nous aussi en poussière, et encore que j’essayasse de la haranguer, disant que
nous avions voulu simplement venger notre maître, et que celui-ci, loin de
mériter ces brocards, était si illustre que Catherine de Médicis et le Roi
l’avaient visité à leur passage à Montpellier, rien n’y fit. Le courroux du
peuple redoublait à chacune de mes paroles, et ce n’était partout que regards furieux,
poings tendus et cris de mort. Ah ! les bonnes gens ne sont point
accommodants quand ils sont enragés ! « Sus ! hurlaient-ils. Sus
à ces méchants ! Ils veulent nous gâter nos jeux ! Sus ! Et
choque et toque ! Frères, sans tant languir, escouillons ces
coquarts ! »
    Et déjà, serrant les coudes et fort
pâles, nous nous préparions pour un combat peut-être mortel, quand
quelqu’un – je sus plus tard que c’était Miroul, qui était si vif et si
fluet, s’était glissé au plus épais de nos ennemis – hurla : « Gare !
Gare ! Le Capitaine Cossolat arrive ! » Cette hurlade étant
reprise à l’aveuglette par les uns et les autres, on n’entendit plus d’un bout
à l’autre de la place que le nom du Capitaine – lequel, à vrai dire, était
pour lors fort occupé rue de l’Espazerie à briser les travestis en leur
folie –, cependant ayant ouï de proche en proche qu’on l’appelait à grands
cris à la tour de la Barbote où il y avait tumulte, il s’y porta avec ses
archers, si bien qu’à notre immense soulagement, à force de crier au loup, le
loup survint.
    La foule, dès qu’elle vit Cossolat,
l’acclama et incontinent nous dénonça et nous désigna à son ire, criant que
nous étions les méchants qui avions brûlé un mannequin et rossé ceux qui le
portaient.
    — Quoi, dit Cossolat
sourcillant, mais m’adressant en même temps un clin d’œil qui prouvait bien
qu’il m’avait bien reconnu quelques instants plus tôt malgré mon masque.
Quoi !
    Détruire un mannequin ! Le jour
de Carnaval ! C’est crime odieux ! Messieurs, nous dit-il, sans tant
barguigner, suivez-moi à la geôle de ville où je vais vous serrer sur l’heure.
Archers, entourez-les.
    Merdanson ouvrit la bouche mais je
lui donnai fort du coude, ce qui lui cloua le bec et lui fit comprendre que
l’important était de sortir de cette foule homicide, et non d’aller en geôle.
    Dès que nous eûmes émergé de la
presse, Cossolat se penchant de son cheval me dit, mi-sévère, mi

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