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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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rouge, après tant d’années,
ne me couvre le front ; caresses qu’aucune femme, née de femme, ne me fit
depuis. Même alors, et redevenu homme par ses magiques entreprises, et vibrant
de désir du chef à l’orteil, je ne voulus point bouger. Quoi voyant, la Mangane
m’enfourchant en une danse frénétique, l’œil fol et la bouche ouverte, tira de
moi, avec des cris sauvages, la semence qu’elle voulait. Ha, pensais-je quand
avec la fin de la volupté la conscience me revint, puisse le Seigneur tout
puissant empêcher qu’un enfant soit conçu en ce ventre infernal !
    Je me levai tandis que la Mangane se
prosternait à mes pieds, et les baisant, puis baisant mes genoux, adorait son
maître.
    — Garce, dis-je, tu as eu ce
que tu as requis. Pars et ne te retourne point.
    — Je ferai ta volonté,
Monseigneur le Grand Bouc, dit-elle et ses yeux, tandis qu’elle ouvrait la
grille, étaient ivres de bonheur dans le pensement de perpétuer son espèce.
    Elle agit, cependant, selon mon
commandement comme je m’en assurai en la suivant entre les tombes. Je joignis
mes compagnons. En mon absence, ils avaient avancé leur tâche, ayant mis en entier
à découvert le corps de la ribaude, lequel était cousu dans un linceul.
    — Compain, me dit Merdanson à
voix basse, où est la justice, ventre Saint-Vit ? D’aucuns forniquent,
tandis que d’autres labourent.
    — Ha Merdanson ! dis-je en
frissonnant, ne te gausse pas. Je m’eusse souhaité à mille lieues de là.
    — On ne l’eût pas cru à ouïr ta
hurlade.
    — Ai-je hurlé ?
    — Comme un démon.
    À quoi je frissonnai derechef, ne
m’étant pas ouï moi-même et observant que la lune à ma senestre n’avait plus la
même surnaturelle brillance qui avait éclairé la face de la sorcière quand elle
m’avait frénétiquement chevauché.
    — Compain, poursuivit
Merdanson, tandis que Carajac, sans piper mais l’air assez chagrin, se
reposait, appuyé des deux mains sur le manche de sa pelle, vu que tu adores le
petit calibrys des garces au point de paillarder avec sorcière ou succube sur
les tombes des morts, descends donc dans la fosse passer une corde sous les
épaules de la loudière et une autre sous les jambes, afin que nous la tirions
de là. Il est temps que tu laboures un peu.
    Et avec un nouveau jurement, il
ajouta une gausserie que je ne voudrais pas céans répéter tant elle était sale
et fâcheuse. Mais assurément Merdanson n’y voyait pas malice, étant grossier de
gueule, mais non de cœur. Et moi, bien marri de voir mes compagnons se
rebrousser si fort le poil d’un rut que pourtant ils avaient conseillé, pour
une fois je me clouai le bec et descendis dans la fosse, mais mon pied glissant
dans la glaise, je tombai de tout mon long sur cette pauvre ribaude dont la
charnure, à travers le linceul, était roide et froide comme glace. Ha !
pensai-je (car à peu que je ne raquasse sous les quolibets de Merdanson, le
cœur me soulevant), tout vaut mieux que la mort ! Christ me pardonne,
j’aimais encore mieux la sorcière et sa chaleur d’enfer ! Mais me
relevant, le cœur au bord des lèvres, et plaçant mes deux pieds de part et
d’autre de la pauvrette, j’arrivai à placer mes cordes comme Merdanson avait
dit, ce qui fut fort peu facile, la courtisane étant une grande et forte femme,
et déjà raide de l’irréfragable rigidité de la mort.
    Il eût fallu être quatre pour tirer
de part et d’autre de la fosse sur les deux cordes à la fois. Nous étions
trois, et bien empêchés nous eussions été si Carajac n’avait pensé à attacher
le bout libre d’une des cordes à la grille de fer du monument voisin. Et ainsi
tous trois, suant et ahanant, nous achevâmes de la hisser sur la glaise. Quoi
fait, à l’aide d’une des flassadas et des deux longs bâtons, Carajac fit une
sorte de brancard sur lequel nous déposâmes le corps.
    Le déterrement de l’orphelin se fit
sans tant d’embarras, l’enfant étant petit, sous peu de glaise enseveli, et si
léger que Carajac, l’enveloppant dans une flassada, le jeta sur son épaule,
tandis que Merdanson et moi, empoignant les manches du brancard, nous portions
la ribaude, nos bras et nos jambes tremblant, jusqu’au logis de Cabassus.
    Cabassus, voyant la lumière de notre
lanterne sourde, avait illuminé son logis des chandelles que nous avions
apportées, les fixant sur des morceaux de bois plantés dans les fissures des
pierres déjointoyées de sa masure,

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