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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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d’ordinaire ses propos, que la matrice
est encore toute gonflée, vu que la délivrance n’a eu lieu qu’hier. J’observe
aussi que la naissance dut être difficile, le vagin portant de profondes
navrures faites par une malhabile et criminelle sage-femme, qui, employant les
pinces, tua l’enfant et, perforant la matrice et le péritoine, provoqua le
saignement qui vida la pauvrette. Enfin, j’observe que la matrice est une,
comme l’a démontré Vésale, et non pas bifide, comme le prétendait Galien.
    — Galien se trompait
donc ! s’écria Cabassus en se frottant les mains tant il avait de haine
pour les Anciens et pour l’autorité.
    — Mais, dis-je, il est encore
des docteurs en notre École, le Docteur Pinarelle entre autres, qui préfèrent
se tromper avec Galien qu’avoir raison avec Vésale.
    — Voilà qui est abominable, dit
Cabassus, avoir des yeux et ne pas voir !
    Mais il se tut car Merdanson,
mettant à jour une trompe et un ovaire, en expliquait l’usance. J’opinais en
mon for en l’écoutant que c’était une délicate merveille que la fécondation de
la femme, et prouvant à elle seule l’existence d’un créateur qui seul avait pu
en son entendement divin imaginer cette simple et toutefois subtile mécanique.
Mais je tus là-dessus mes pensées, ne voulant pas relancer Cabassus en ses
criardes négations.
    Quand il en eut fini avec les genitalia, Merdanson ouvrit la poitrine de la courtisane pour en extraire
le cœur, et ce faisant, il dit :
    — Sais-tu, Carajac, qu’Aristote
tenait le cœur pour un organe chaud à trois cavités ?
    — Ha ! Ha ! dit
Cabassus, plongé dans le ravissement de ce que le maître que vénérait son
Église fût tombé si bas dans l’erreur.
    — Je l’ignorais, dit Carajac.
    — Aristote tenait aussi que
c’était dans le cœur que se formait le sang.
    — Ha ! Ha ! ricana
Cabassus.
    — Aristote opinait enfin –
compains, oyez bien ceci – que le cœur ayant tendance, étant chaud, à
chauffer outre mesure, les poumons étaient des soufflets destinés à lui envoyer
de l’air froid pour le rafraîchir.
    Ici, Cabassus rit à gueule bec et se
trémoussa si fort qu’à peu qu’il ne chût de la chaise où il s’était juché.
    — Quant à Galien, poursuivit
Merdanson, retroussant ses manches pour retirer de la cavité thoracique le cœur
dont il venait de sectionner les canaux ; quant à Galien, il affirmait que
les cavités cardiaques communiquaient entre elles par des pores.
    — Et c’était faux ?
demanda Cabassus qui, derechef, se frottait les mains de voir tant d’autorités
anciennes ouvertement défaites et déconfites.
    — Compains, c’était faux.
Vésale a démontré dans son De corporis humani fabrica que les cavités
cardiaques n’ont pas entre elles de communication.
    Carajac, poursuivit-il, voici le
cœur de cette pauvre femme. En son vif, il a battu pour plus d’un au rythme de
son petit calibrys (mais il dit cela en pitié plutôt qu’en grossière
gausserie). Prends-en grand soin.
    Sans piper, mais l’air fort grave,
Carajac tira de ses chausses un large mouchoir, et recevant le cœur que
Merdanson lui tendait, rabattit dessus les pans de l’étoffe et, les nouant, en
fit un paquet qui par sa forme rappelait ces petites mottes de beurre que le
laboureur apporte au marché en la ville.
    La courtisane recousue dans son
linceul – et à vrai dire, elle puait peu, sauf de l’odeur fade, écœurante
et douceâtre qui accompagne le premier stade de la décomposition, on la plaça
sur un bahut, et Carajac qui avait mis le paquet que l’on sait à côté de la
lanterne sourde, saisit l’orphelin et le porta sur la table en disant :
    — Il est fort léger.
    — Pour ce que l’orphelin mange
petit, dit Merdanson, le couteau en main.
    Mais à peine eut-il ouvert le
linceul dans lequel l’enfant était cousu qu’une odeur insupportable envahit nos
narines. Bien pis ce fut, quand, avisé par Cabassus que l’enfant était mort des
poumons, Merdanson les ouvrit, ceux-ci laissant incontinent échapper une
puanteur à faire raquer l’estomac le plus solide. On les arrosa de vinaigre
pour combattre et la nauséeuse vapeur et l’infection qu’elle convoyait
peut-être. Mais outre que le vinaigre n’y fit rien, les poumons étaient si
décomposés qu’on n’y put rien voir ni trouver, hormis de petits calculs, s’il
faut du moins appeler ainsi des granulations bien plus menues qu’un pois

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