Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
péremptoires.
    Cela me conforta quelque peu sans
toutefois me persuader tout à fait tant je sentais en mon corps une paralysie
de mon essence vitale que je ne croyais pas pouvoir vaincre. Et le sentant, je
restais contre elle sans bouger, et comme plongé dans une abjecte terreur,
craignant par-dessus tout de me déshonorer en n’achevant pas ce que j’aurais
commencé.
    — Ha Pierre ! dit-elle
comme si elle entendait tout ce que je pensais sans que j’ouvrisse la bouche,
vous êtes trop jeune et trop vaillant pour que ce sortilège, comme vous dites,
pèse sur vous plus d’une semaine ! Fi donc ! Un nouement
d’aiguillette ! Mon mari a raison. C’est tromperie de charlatan !
Fallace grossière ! Piège pour le populaire ! Pierre, êtes-vous un
ignare laboureur terrorisé à vie par un sorcier de village, ou un médecin qui
cherche sous son scalpel les lois de la nature ? Allez-vous avoir plus de
fiance dans les simagrées de la Mangane que dans les raisons de Michel de
Montaigne ?
    — Ha Madame ! dis-je,
j’oserais vous croire si je n’étais tant moulu, rompu et roué que je me sens
l’ombre d’un homme.
    — C’est là l’effet de votre
remords, mon petit cousin, pour avoir commis cette nuit-là de si gros et
scandaleux péchés. Et tant l’imagination a grande seigneurie chez vous, que ce
nouement n’est que le châtiment que vous pensez avoir mérité. Dans une semaine,
vous serez de nouveau vaillant dans mes bras, je le veux !
    — Ha Madame ! Vous
obéirai-je ?
    — Il faudrait beau voir que
non ! Mes sortilèges sont-ils moins puissants que ceux de la
Mangane ? Mes philtres opèrent-ils moins ? Suis-je moins belle ?
    — Ha Madame ! m’écriai-je
avec feu, vous êtes mille fois plus belle que cette créature des ténèbres.
Votre face resplendit de lumière, et votre corps est divin en toutes ses parties.
    Cela l’émut fort et elle rougit
jusqu’aux tétins, étant accoutumée que ces hyperboliques compliments
précédassent le début de mes mignonneries. Cependant, se plaignant de la
chaleur et de ses vapeurs, elle se dégrafait et remuait beaucoup, et d’autant
que je ne commençais rien pour la raison que j’ai dite. Nous restâmes ainsi
quelques moments, elle fort rouge du branle qu’elle se donnait, et moi plus
coi, quiet et anxieux que lièvre tapi dans un buisson. À la fin, prenant
quelque dépit et impatience de mon immobilité, elle dit avec un petit rire pour
cacher sa vergogne :
    — Mon mignon, est-ce une raison
parce que vous ne pouvez prendre ce jour d’hui votre plaisir, que ce plaisir,
vous me le refusiez ?
    — Ha Madame ! dis-je. Je
vous en supplie, ordonnez ! Il n’est chose au monde que je ne ferais pour
vous tant je vous aime !
    Elle me commanda alors d’être sa
chambrière et d’achever de la dérober : ce que j’accomplis, non sans de
grands soupirs de n’avoir plus l’usance de tant de beautés que je voyais là. Puis
de me dévêtir. Et enfin, prenant et guidant ma main comme la première fois où
elle m’avait admis en ces familiarités, elle me dit : « Mon mignon,
faites-moi cela que je veux. » J’obéis et elle n’en remua que plus outre,
poussant ces plaintes et gémissements qui donnaient tant d’humeur à M lle de Mérol. Mais avant que de parvenir à ses fins, elle m’interrompit et me dit
de m’étendre sur elle. Ce que je fis, non sans quelque honte, comme bien on
pense, de mon inertie, mais elle, appuyant ses deux mains sur mes épaules, me
poussa insensiblement vers le bas, me faisant entendre plus par le geste que
par la parole, d’avoir à mettre la bouche où j’avais mis le doigt. Et combien
que cette mignonnerie, dont je n’avais jusque-là jamais ouï parler, me parut à
l’abord très bizarre, et peut-être peccamineuse, je n’eus garde de désobéir à M me de Joyeuse, pensant lui devoir cette compensation pour l’insuffisance où le
sort me jetait. Cependant, l’étonnement passé, observant que son gémir devenait
plus aigu, le branle qu’elle se donnait plus vif, je me sentis en mon for très
heureux de bailler un plaisir si exquis à une femme si bonne. Cette pensée me
donnant plus d’appétit à cette étrange caresse que je n’avais d’abord, je m’y
livrai sans réticence, et non sans tendresse, ce qu’elle sentit peut-être, car
elle parvint à son terme avec des halètements, des plaintes, des cris et un
tumulte où je ne l’avais jamais vue.
    Quand, à cette

Weitere Kostenlose Bücher