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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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d’instrumenter contre Cabassus, et l’Évêque qui
n’est pourtant pas chaud pour faire brûler un de ses prêtres, fût-il aussi
mauvais que Cabassus, a chargé ses chanoines d’instruire.
    — Et si on serre Cabassus dans
une geôle ecclésiastique, le mettra-t-on à la question ?
    — Je ne sais, Siorac, dit
Fogacer en m’envisageant œil à œil, mais si on l’y met, il vous nommera et
alors, il faudra fuir.
    Ha ! pensai-je, si j’en ai le
temps ! Et après que Fogacer, voyant mon trouble, eut entrepris de me
conforter, je le quittai, plus content de son amitié que confiant en mon
avenir. Et me retirant en ma chambre, je dormis fort peu cette nuit, encore que
ce fût pour une tout autre raison que les précédentes, ma tête me paraissant
fort peu solide sur les épaules.
     
    *
    * *
     
    Tout le mardi se passa dans la plus
grande détresse, effrayé et angoissé que j’étais à l’idée de déshonorer mon
père en me faisant décoller sur un échafaud public pour avoir profané une
sépulture, mes deux pauvres compagnons, n’ayant pas l’heur d’être
gentilshommes, étant pendus haut en l’air au gibet – ce qui est malemort,
comme m’avait appris Espoumel. Ha lecteur ! En mes seize ans quel tourment
et deuil c’étaient là ! Alors que de la vie, je n’attendais que roses, sur
quel lit d’orties j’étais couché, l’esprit morne et chagrin, en horreur à
moi-même, accablé de ma misère, et dès que j’étais retiré en ma chambre,
pleurant et remâchant mes larmes, et tâchant de prier Dieu. Moi qui tant
chérissais mon malheureux corps, et en avais fait mon idole pour toutes les
joies qu’il me baillait, étant orgueilleux follement de sa vigueur, de sa
vaillance et de son amoureux appétit, aimant que les mignotes tant m’aimassent
pour lui, que je les aimais pour le leur ! Ha Seigneur ! Perdre cette
belle et bonne chair et si vite, et si tôt, en la verdeur de mes jeunes années,
et presque sans avoir vécu ! C’était là pâtiment à peine supportable et
pire peut-être en mon imagination que la mort même que j’attendais.
    Je me forçai beaucoup ce mardi pour
aller suivre, rue du Bout-du-Monde, les cours privés du Chancelier Saporta,
lequel, en ses lectures, aimait à m’envisager de temps à autre pour l’ardeur
que je mettais à l’ouïr, mais ce matin-là, j’observai avec désespoir que pas
une fois il ne jeta l’œil sur moi, assis que j’étais pourtant au premier rang,
et l’écoutant comme à l’accoutumée. Je dis bien, pas une fois Saporta ne
consentit à s’apercevoir que je me trouvais là. Procédé très atroce et qui me
fit même sinistre impression que si le Chancelier me retranchait déjà, et de
l’École, et du nombre des vivants. Ha, certes ! Je comprenais qu’il fût
contre moi courroucé et dépit, moi qui allais ternir par un procès public le
renom de l’École. Mais ne même pas me voir, moi son fils, c’était presque plus
de souffrance que je ne pouvais pâtir. Je cessai de l’écouter, et mon écritoire
devenue inutile, la plume inerte au bout des doigts, j’envisageais devant moi
le sol auquel j’allais appartenir, demeurant à jamais sous la terre,
pourrissant dans la froidure et les ténèbres du tombeau, loin du beau soleil
doré du Languedoc, et la tête séparée du corps pour la plus grande honte des
miens.
    La lecture finie, j’aperçus
Merdanson et Carajac, l’un et l’autre fort pâles et abattus, et leurs
puissantes épaules comme affaissées. Saisi à cette vue d’un grand remords de
les avoir entraînés en cette calamiteuse aventure, je m’approchai d’eux et leur
dis que je les attendrais à midi à l’auberge des Trois-Rois. À la morne
façon dont ils acquiescèrent, je compris que le gibet les hantait tout autant
que le billot où je pensais aller porter ma tête.
    L’alberguière, tout souris, me fit
fête, ce qui me donna d’abord quelque réconfort et, en deuxième pensée, quelque
dépit de ne devoir son amitié qu’à mes écus, mais néanmoins, elle se laissa
persuader d’assez bonne grâce de me mettre en son petit cabinet – lequel
elle réservait d’ordinaire à de plus étoffés que moi. Et comme j’y pénétrais,
presque sur mes talons apparurent Merdanson et Carajac. Je commandai le rôt et
trois flacons, un pour chacun, les voulant ragaillardir, et moi-même aussi et
de déjetés que nous étions, recouvrer un peu de notre flamme à vivre. Ils
avaient appris que la

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