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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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alliances,
votre ville, vos études et votre futur état. C’est donc un parti à ne prendre
qu’à toute extrémité : j’aimerais vous en avoir convaincu.
    — Ha Monsieur ! dit
Carajac. Siorac, lui, a de puissants protecteurs ! Mais nous !
    — Monsieur, derechef vous
errez, dit gravement Cossolat. Si la protection de Siorac vaut, elle vaudra
pour les trois. On ne peut incriminer l’un sans l’autre, ni blanchir un des
trois sans blanchir les deux autres. Méditez bien ceci.
    Et là-dessus, il nous quitta à sa
façon abrupte et militaire, nous saluant à peine, le dos droit et la nuque fort
raide.
    Je passai le reste de la journée
comme je pus, c’est-à-dire fort mal, n’ayant qu’un seul pensement qui me
tournait sans relâche dans cette pauvre mienne tête que peut-être j’allais
perdre. Je tâchai, à la chandelle, retiré dans ma chambre, après le chiche
repas, de colliger mes notes, mais quel branle celles-là dansaient sous mes
yeux ! Et de quelle usance, me demandai-je, serait maintenant pour moi ce
savoir que j’entassais dans la gibecière de ma remembrance ? Hélas, je ne
pouvais le dire, étant dans la paume de la fortune comme une mouche aux mains
d’enfants joueurs. Sentant enfin toute l’inutilité de mon dérisoire labour, je
m’allai jeter sur le lit, et n’ayant plus de larmes pour en avoir trop répandu,
je restai, les yeux secs, en une extrémité de désespoir que je ne saurais
décrire.
    On toqua à la porte, je levai la
tête : c’était mon bien-aimé Samson que j’avais en ma misère quasiment
oublié, ne lui disant pas trois mots par jour et à peine l’envisageant, lui
dont la beauté et l’évangélique douceur eussent consolé même un lépreux. Et il
était là, sur mon seuil, plus timide et farouche qu’une vierge, n’osant entrer,
ses boucles de cuivre si gentiment entortillées autour de son oreille, l’œil
pur et azuréen, le nez et la suave joue semés de taches de rousseur, les lèvres
rouges sur sa denture parfaite.
    — Monsieur mon frère, dit-il
avec le délicieux zézaiement qui ne l’avait mie quitté depuis ses maillots et
enfances, peux-je entrer ?
    — Vous le pouvez, Samson,
dis-je en me soulevant sur le coude, mais sans force pour me lever et aller
l’embrasser.
    Me jetant alors un œil anxieux pour
ce qu’il observait ma langueur, moi qui, à l’accoutumée, étais si bondissant,
il ferma l’huis et venant s’asseoir sur mon lit, il me dit :
    — Monsieur mon frère, souffrez-vous
d’une mauvaise fièvre ? Je vous vois abattu, pâle assez, la mine défaite
et ne disant mot et comme en proie à quelque secret pâtiment ?
    — Ha Samson ! dis-je, ce
n’est rien. Cela passera.
    Et pensant que cela pouvait passer,
en effet, mais sur le billot de l’exécuteur, j’éclatai en sanglots. Sur quoi,
se couchant contre moi, il me prit dans ses bras et me serrant avec une
tendresse infinie, il me donna cent baisers, protestant qu’il ferait tout au
monde qui pût m’aider, si je lui en fournissais l’occasion, lui-même,
ce-disant, versant des larmes, avec les miennes confondues.
    — Ha mon frère tant aimé !
dis-je quand enfin je pus parler, que je vous sais gré de la grande affection
que vous me témoignez et qu’elle me redonne de force dans la faiblesse où vous
me voyez. Mais sur ce qui me poigne et m’aigrit, je ne peux rien dire de
présent, me réservant de tout vous révéler, quand enfin je saurai le dénouement
du prédicament où je suis. Mais que cette issue soit bonne ou qu’elle me soit
fatale, je vous demande de ne pas moins m’aimer, quand vous saurez la
gravissime faute que j’ai commise.
    — Ha Monsieur mon frère !
dit Samson, qui en sa candeur colombine ne pouvait imaginer de péché plus grand
que celui-là, auriez-vous tourné papiste ?
    — Non ! Non ! dis-je
en riant au milieu de mes pleurs, tant j’étais atendrézi de sa simplicité, je
suis ferme en ma foi huguenote et je le serai toujours, si Dieu le veut.
    — Vous serez donc sauvé !
dit Samson, son visage s’illuminant de joie, comme si mon sort dans l’autre monde
fût pour lui de plus grande conséquence que ma fortune dans celui-ci.
    Christ me pardonne, je ne voyais
pas, quant à moi, les choses d’un œil aussi élevé, et j’étais, à parler franc,
moins préoccupé de mon salut que de ma vie ; cependant, je ne pipai mot,
ne voulant pas chagriner un frère si aimant, bien résolu que j’étais quand le
moment

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