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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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avez
arquebusé Cabassus sur son bûcher.
    — Ce n’est pas moi. Mais
quiconque a eu le front de le faire eût pu tout aussi bien arquebuser le
bourreau.
    — Ha ! dit Vignogoule.
C’est crime capital qu’occire l’exécuteur !
    À quoi je répliquai, parlant entre
mes dents d’une voix basse et sifflante :
    — Et crime capital aussi,
d’occire le condamné. Et qui ose le second peut très bien oser le premier.
    Là-dessus, Vignogoule me jeta un
bref regard de son œil délavé et baissa sa lourde paupière. Je l’envisageai à
mon tour. Sa face, si semblable à un bloc de boue, en ayant la couleur et la
consistance, ne broncha point, mais je vis que les rênes que tenaient ses
énormes mains se mettaient à trembler.
    — Vilain, dis-je, m’as-tu bien
entendu ?
    — Mon noble moussu, dit-il de
sa voix douce, avec un grand soupir qui, gonflant sa volumineuse poitrine,
souleva ses tétins si étrangement pareils à ceux d’une garce, je vous prie et
requiers de bien vouloir considérer ceci : si je mets le pouce où vous
avez dit, à savoir sur l’os de la gorge, la ribaude ne souffre plus aucun
pâtiment. Le temps d’appuyer, la mort est là. Ce n’est pas une exécution, c’est
une meurtrerie vulgaire, laquelle est étrangère et répugnante à mon art, et en
quelque guise, le déshonore.
    — Bref ? dis-je,
sourcillant et portant la main à ma dague.
    Se retournant et jetant un coup
d’œil aux archers et les voyant assez loin derrière nous, Vignogoule mouilla
ses grosses lèvres de sa langue et dit d’une voix éteinte :
    — Ce sera donc vingt-cinq écus,
et pas un écu de moins.
    — Barguin conclu ! dis-je,
ne voulant ni toper ni disputer plus outre avec ce scélérat.
    Je repris :
    — Vingt-cinq écus sonnant,
trébuchant, non rognés et sur l’heure versés. Mais, bourreau, ramentevois bien
ceci : si après cela, la condamnée meurt lentement, toi, en revanche, tu
seras promptement dépêché.
    — Moussu, dit Vignogoule, tant
payé, tant tenu.
    Me rapprochant de lui davantage,
quelque horreur qu’il m’inspirât et quelque puanteur de mort qui émanât de
cette boue, je lui comptai alors son or, ce qui prit un certain temps, car il
mordit chaque pièce une à une, comme son horrible femelle avait fait avant lui.
    Et bien soulagé je fus quand je le
quittai pour m’aller remettre au botte à botte avec la Fontanette.
    — Ma pauvre Fontanette, dis-je
à voix basse, j’ai barguigné avec ce vilain. Dès qu’il te mettra la main autour
du col, ferme les deux yeux, tu n’auras pas le temps de pâtir, tu mourras en un
battement de cil.
    — Ha, moussu ! dit-elle.
La merci Dieu et vous aussi ! C’est grande miséricorde que je vous aie
rencontré pour adoucir ma malemort ! Et plus encore d’apprendre de votre
bouche que point ne m’avez accusée faussement devant Dame Rachel.
    — Ha ! m’écriai-je, les
poings serrés sur les rênes et grinçant des dents, j’écraserai cette femme
malicieuse ! C’est son venin qui a fait tout le mal ! Sans elle, je
t’eusse retrouvée à Grabels, et retirée des mains de ce mauvais maître !
    — Moussu, dit-elle, les larmes
coulant sur sa belle face, ne parlez point ainsi ! Vous me tuez le cœur de
regrets ! Et je veux courage garder pour affronter ce qui vient. Moussu,
ajouta-t-elle, en tournant vers moi ses yeux dont j’aimais la naïve douceur,
m’aimez-vous donc un petit ?
    — Fontanette, dis-je, le nœud
de ma gorge me serrant en un pâtir affreux, je t’aime de grande amitié et
amour, et ne me pardonnerai mie de t’avoir prise en ton bourgeon sur la
terrasse que tu sais.
    — Ha, moussu ! dit-elle.
Ne jasez point à tort de cette terrasse et de la lune. Ce fut là mon court
paradis. Tout le mal est venu après.
    Et quelle touchante bonté je trouvai
en ces paroles qui m’exonéraient de ma faute, alors que dans un premier temps
elle m’en avait fait grief, je ne saurais dire. Et encore que Fontanette ne
voulût point ouïr parler en ses derniers moments de l’irréparable enchaînement
des causes qui l’avaient menée là, je ne pus m’empêcher de revenir là-dessus,
tant me poignait son injuste destin.
    — Ainsi, dis-je, Dame Rachel ne
t’a pas révélé que la véritable raison de ton congédiement, c’est qu’elle avait
appris par le prêtre qui te confessait que tu paillardais avec moi ?
    — Non, moussu, pas un mot. Rien
que ces deux mouchoirs que je vous aurais

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