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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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ne sais quelle lueur farouche.
    — Monsieur, dit-il, je suis
Jacques de Possaque, maréchal des logis dans la compagnie de cavalerie du
capitaine Bouillargues, et j’apprends que vous requérez d’entrer. Peux-je vous
demander quelle affaire vous amène céans ?
    — Rien que visiter votre belle
ville, dis-je, ne désirant pas lui apprendre que j’allais demeurer chez M. de
Montcalm, lequel étant officier royal et papiste, ne devait point être tenu par
ceux de notre parti, en ces occasions, en très bonne odeur. Nous sommes
écoliers en Montpellier, repris-je. Et j’ai une lettre du capitaine Cossolat,
qui est des nôtres, pour le capitaine Bouillargues.
    Et la sortant de mes fontes, je lui
montrai l’adresse sur le pli, mais sans lui tendre ce dernier. Cependant cette
lettre, même cachetée, fut un sésame.
    — Monsieur, dit Possaque (dont
le « de », je gage, était « feint », comme avait dit Jean
Vigier), je vais vous escorter en l’auberge de la Coquille, où je vous
demande de demeurer jusqu’à ce que le capitaine Bouillargues vous peuve voir.
Cependant, je doute que ce soit avant ce soir. Sauf le château – mais la
garnison est trop faible pour nous inquiéter –, la ville est dans nos
mains. Et le capitaine a de certains comptes à régler avec d’aucuns acharnés
papistes, lesquels comptes ne souffrent pas de délais.
    En disant cela, Possaque grinça des
dents, son œil brilla d’un brillement que je trouvai, à part moi, fort peu
rassurant pour ceux qu’il avait désignés. Ha, pensai-je, les acharnés ne sont
pas seulement que d’un bord ! En voici d’autres, et du mien !
    Possaque, nous ayant admis à
l’intérieur des murs, nous demanda de démonter et de tenir nos montures par la
bride : ce que nous fîmes. On nous mit alors à la queue d’un peloton d’une
vingtaine d’hommes armés de guises très diverses, comme j’ai dit ; je
reconnus le cardeur Jean Vigier, lequel avait troqué son incommode hallebarde
contre une courte épée. Il tenait ce braquemart à la main, n’ayant pas de
fourreau, et paraissait si content d’être en possession d’une arme maniable,
que tout en marchant, il en donnait dans l’air de grands coups, tant est
qu’enfin Possaque, craignant qu’il navrât l’un des nôtres, le renvoya en queue,
où il fut fort aise de nous retrouver, et moi, de l’ouïr, car sans lui, nous
aurions peu compris le comment et le pourquoi de la tragédie dans laquelle, in medias res [86] nous étions jetés.
    Au fur et à mesure que nous tirions
vers le centre de la ville, le tumulte se faisait plus rugissant, non qu’il y
eût combat ou résistance, les papistes se tenant terrés en leurs logis. Mais le
pavé était sans arrêt parcouru dans les deux sens par des pelotons armés,
lesquels, marchant ou courant, criaient à tue-tête et à oreilles
étourdies : «  Sarre boutiques ! Sarre boutiques ! » commandement auquel les marchands n’avaient garde de désobéir, ayant grand’peur
d’être pillés. En un clin d’œil, la ville fut morte, les étals enlevés, les
contrevents clos, les portes barricadées, et les bonnes gens derrière leurs
murs, à moins qu’ils ne fussent de ceux qui se donnaient des hurlades à se
péter les poumons en huchant : « Tue papistes ! Tue ! Monde
nouveau ! »
    Ha, pensai-je, quel monde nouveau
est-ce là, qui doit commencer par le massacre de ceux qui, à la fin, ont même
Dieu que nous, quand même ils l’adorent d’une autre guise ?
    — Quoi ? dis-je à voix basse
à Jean Vigier, allez-vous occire céans tous les papistes ?
    — Nenni ! dit Vigier. Nous
ne sommes point si turcs ! D’après ce que j’ois, on ne touchera pas un
cheveu aux femmes, ni aux enfants, non plus qu’aux papistes modérés. Mais quant
à ceux qui faisaient continuellement des prêches contre nous et nous
promettaient des bûchers, ceux-là ne pisseront pas si roide quand ils auront
passé dans nos mains.
    — Vigier, dis-je, vous ois-je
bien ? Des exécutions ? Sans procès ? Et sans juges ?
    — Ha ! pour les juges !
dit Vigier, comment les avoir ? Ils étaient tous de leur côté et contre
nous.
    Cependant qu’il parlait ainsi,
Possaque faisait arrêter sa troupe devant un logis de belle apparence, à l’huis
duquel, s’avançant, il frappa à coups redoublés avec le pommeau de son épée.
Mais comme on ne répondait pas, il donna l’ordre à ses hommes de
l’enfoncer : ce qu’ils ne purent

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