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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Chambrun que
nous nous trouvâmes confrontés à une dizaine d’hommes armés qui braquaient sur
nous leurs arquebuses, les mèches allumées. Encore que le cœur me battît comme
tocsin, je tirai vers eux hardiment, transpirant cependant et du soleil brûlant
et de tant d’armes dirigées contre ma poitrine. Mais affectant un abord calme
et riant, je leur dis d’une voix forte :
    — Compagnons, qu’est
ceci ? Vous me braquez ? Et pourquoi ? Dépêche-t-on les gens
ainsi dans votre bonne ville, et sans leur dire quoi ni qu’est-ce ?
Êtes-vous de vulgaires coupeurs de gorge, ou de bons ouvriers mécaniques
fidèles à la religion réformée ?
    Et tandis que je parlais, l’air
apparemment tranquille, je tremblais que l’un d’eux, d’un coup de feu, coupât
court à mes paroles. Mais par bonheur, ils n’y pensaient point, étant sensibles
au discours, comme tous nos gens du Languedoc.
    — Moussu, dit l’un d’eux en
s’avançant, et à peine eut-il parlé que je reconnus Jean Vigier, aussi vrai que
vous êtes un gentilhomme bien aimable, et ne déprisant pas l’ouvrier mécanique,
nous avons le commandement de François Pavée de vous occire sur l’heure, vous
et votre valet, comme espions papistes.
    — Ha ! Jean Vigier !
dis-je. Je ne suis ni espion ni papiste ! Mais fils d’un baron
huguenot ! Et moi-même huguenot ! En veux-tu la preuve ? Voici,
dis-je en la sortant de mon pourpoint, une lettre que M. de Chambrun adresse au
Capitaine Bouillargues pour lui dire que je suis bel et bien de l’église
réformée, quoi que Pavée en dise, et requérir le garde des portes de me laisser
sortir de la ville.
    — Je ne sais point lire, dit
Jean Vigier en repoussant de la main le pli que je lui tendais.
    — Compagnons, dis-je, qui parmi
vous voudrait lire ce pli ?
    Mais aucun ne savait ses lettres et
je jugeai à leurs mines que tous, à devoir l’avouer, ne m’avaient pas en si
bonne odeur. Aussi changeai-je mes batteries promptement.
    — Ha ! dis-je. Qu’importe
cette lettre ? L’important, c’est que je suis bon religionnaire, et que
cela se voit à yeux clos. Je peux vous chanter les psaumes de David, du début à
la fin, sans en sauter un seul, et mon valet aussi ! Et je peux vous
dénoncer les hérésies papistes, poursuivis-je en boutonnant mon pourpoint
jusqu’au col, la chaîne de ma médaille me brûlant la peau, de la première à la
dernière, aussi bien qu’un de vos ministres. La vérité, c’est que François
Pavée me veut mal de mort, parce que je l’ai surpris dans le logis de M. de
Montcalm, entassant dans des sacs une immense picorée, pendant que vous,
compagnons, vous suez dans vos corselets et cottes de maille à courir les rues.
Pourquoi Pavée ne m’a-t-il pas occis lui-même, s’il cuidait que je fusse un
espion ? Eh bien, pourquoi, je vais le dire : mon père est puissant
baron huguenot en Périgord, et grand capitaine aussi, ayant combattu à
Cérisoles et à Calais. Et Pavée a craint, en me tuant de sa main, que mon père
se revanchât sur lui. Il vous a donc chargés de cette méchante besogne, aimant
mieux que ce soit vous, compagnons, que mon père envoie tout bottés au
gibet !
    Ce discours n’eut pas autant d’effet
sur eux que je l’escomptais. Je voyais bien qu’il était aussi difficile de leur
faire pénétrer une idée dans la cervelle que de l’en faire sortir une fois
qu’elle y était entrée. Cependant, si mes paroles glissaient sur leurs crânes
durs, moi, en revanche, je ne leur déplaisais point.
    — Il est de fait, dit l’un, que
le moussu a bonne face.
    — Et qu’il est fort jeune, dit
un autre. Et si bien fait de sa personne que ce serait pitié.
    — Et point la trogne d’un
espion, dit un petit rondelet au crâne chauve.
    — Voire ! dit un
quatrième, qui était long, maigre et fort jaune de peau. Le moussu n’a point
l’air malicieux, mais il n’est pourtant point de Nismes… Que vient-il faire
céans ?
    — Quoi ? dis-je. Ceux qui
viennent admirer votre belle ville sont-ils par cela même espions ?
    — Tant est, pourtant, que nous
avons notre commandement, dit Jean Vigier, fixant sur moi son petit œil amical
et niais. Et avec votre permission, Moussu, notre commandement est de vous
occire.
    — Jean Vigier, dis-je, qui te
commande ? François Pavée ou le capitaine Bouillargues ?
    — Le capitaine.
    — Et que dira-t-il quand tu lui
apporteras les lettres que tu trouveras sur moi

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