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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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quand tu m’auras tué ?
    — C’est là un point, dit Jean
Vigier.
    Et soulevant son morion, il se mit à
se gratter le crâne.
    — J’opine, dit le grand maigre,
qu’on dépêche le moussu de présent sans tant baragouiner. Ramentevez-vous bien
ceci : il n’est pas de Nismes. En outre, il fait fort chaud à disputer au
soleil, et je sue dans mon corselet. Finissons-en.
    — Compain, dis-je promptement,
je me pense que pour la chaleur tu as raison. Allons disputer à l’auberge de la Coquille devant quelques bons flacons que je vous offre à tous, pour
l’amour de Nismes et pour l’amour de ma vie.
    À ceci, qui fut par tous bien
accueilli, Jean Vigier sourcilla :
    — C’est que c’est défendu, ce
jour d’hui, d’aller à l’auberge.
    — Mais point de m’y
accompagner, puisque j’y ai mon gîte, dis-je, et assurément, vous ne devez
point en conscience me quitter tant que vous n’avez rien résolu à mon sujet.
    — C’est là un point, dit Jean
Vigier.
    Mais il balançait encore.
    — Allons boire en premier, dit
le grand maigre. Et nous le dépêcherons en second.
    Cet avis l’emporta, et nous partîmes
tous, mes exécuteurs et moi-même, vers l’auberge de la Coquille, eux
suant dans leurs corselets, et moi dans mon pourpoint, l’après-midi étant
encore chaude bien qu’elle fût avancée.
    Je leur conseillai d’entrer dans
l’auberge, afin que de n’être point vus, par la porte de derrière. Mais là
parvenus, il ne nous fut pas possible de nous faire ouvrir, quelque bruit que
nous fîmes. Tant est que je commandai à Miroul d’escalader le mur jusqu’au
deuxième étage du logis et d’y pénétrer par le petit fenestrou dont il avait
sailli. Ce qu’il fit avec une agilité qui laissa béants mes périlleux invités,
car il grimpait quasiment comme une mouche, à la verticale, et au surplus, sans
bruit aucun.
    — Ma foi, dit le grand maigre,
si j’étais ce drole, je me ferais larron ! Je gagnerais mieux mon pain
qu’en étant savetier.
    Craignant de leur laisser l’esprit
inoccupé et tremblant qu’ils ne se ravisassent, je leur contai alors comment
Miroul avait pénétré nuitamment à Mespech en sautant tous les murs, et je les
tins ainsi en haleine jusqu’à ce que l’alberguière ouvrît la porte, ce qu’elle
fit sans témoigner de la moindre frayeur, mais la crête haute, le ton ferme et
l’œil assuré, en garce qui sait en son logis maîtriser la turbulence des
hommes. De reste, je sus dès les premiers mots que Miroul lui avait expliqué le
péril où nous étions, tant elle saisit bien nos hommes par le bon bout.
    — Compagnons, dit-elle, vous
êtes les bienvenus, si tant est que vous êtes bien les invités de ce
gentilhomme huguenot, car aux papistes j’ai commandement de ne rien servir,
bien qu’étant papiste moi-même.
    — Vous pouvez l’être, dit Jean
Vigier. Aux garces, nous ne touchons pas.
    — Et bien avisés êtes-vous, dit
la commère. Sans cela, qui cuirait votre rôt ? Compagnons, éteignez les
mèches de vos arquebuses avant que d’entrer. Et de grâce, ôtez vos corselets et
cottes de mailles et morions, et en tas mettez-les proprement, pour non point
me rayer ma table. Je vais quérir vin frais et gobelets.
    À tous ces commandements, comme si
l’hôtesse eût été capitaine en son logis, mes exécuteurs obéirent sans
rechigner ni rebéquer, et s’attablèrent et burent. Et comme après deux ou trois
pots, le grand maigre proposait de lever le camp et de me dépêcher dans la
ruelle sur le derrière de l’auberge, l’hôtesse se récria qu’ils ne pouvaient
partir sans manger, et les chambrières incontinent leur servirent un jambon
entier, et des saucisses de Bigorre, et un rôt froid avec moutarde, et des
truites de torrent, et des vins encore, lesquels furent traîtreusement mêlés,
et tandis que mes hommes buvaient et gloutissaient toutes ces viandes à belle
gueule, je commandai à Miroul d’aller chercher sa guitare, et leur disant à
chacun de me citer le premier vers d’un psaume, à son choix, je leur chantai le
psaume entier, Miroul m’accompagnant. Mais ce fut peine perdue, comme on va
voir.
    — Eh bien, dis-je, quand j’eus
fini. Après ce coup, qu’opinez-vous, compagnons ? Suis-je papiste ou
huguenot ?
    — Oui-da, dit Jean Vigier.
Voilà qui est bel et bon. Vous chantez nos psaumes à merveille. Mais François
Pavée nous a prévenus : vous êtes habile à contrefaire le huguenot !
Tant

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