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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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dans
leurs petites logettes, lesquelles nous fournissent aussi la cire. Miel et cire, bien que de médicinale utilité, sont aussi d’usance domestique
et vous sont bien connues. Mais voici qui vous étonnera davantage : ce
sont là graines d’écarlate fort employées en teinturerie.
    — Des graines, dis-je.
Sont-elles végétales ?
    — Nenni, mon neveu. Elles nous
viennent d’une bestiole, la cochenille, qui prospère aux dépens du chêne kermès
que vous irez découvrant en vos chevauchées dans toutes les garrigues du
Languedoc. Ces cochenilles, il n’est que de les piper sur l’arbre.
    Maître Sanche fit une pause
derechef, aimant s’assurer que son discours nous avait bien pénétrés avant que
de poursuivre.
    — Mes neveux, ce pot que
maintenant je débouche, et à peine, pour ne point vous entêter, contient une
substance coûteuse, car elle nous vient d’un cerf d’Asie qui la porte entre ses
jambes, accolée à ses pudenda [19] .
C’est le musc ; sa senteur est merveilleusement violente et diffusante,
mais à petites doses, on en use fort dans la composition des parfums et
d’aucunes drogues que je tairai.
    — Ces médecines, dis-je,
excitent-elles aux plaisirs de Vénus ?
    — Nenni, dit Maître Sanche,
l’œil pétillant. Et ramentevez-vous, mon beau neveu, qu’à votre âge, le sang
est à lui-même sa propre drogue. Voici maintenant en quantité petite une
substance fort précieuse qu’on achète à prix d’or : l’ambre gris. On le trouve dans l’intestin du cachalot, mammifère marin fort féroce qui peut
avaler un homme d’un coup de glotte.
    — Est-ce celui-là qui, dans la
Bible, avala Jonas ? dit Samson.
    — Lui-même, et non point sa
cousine, la baleine, qui en eût été fort empêchée, son gosier étant si étroit.
    Ayant refermé le petit pot qui
contenait l’ambre gris, et verrouillé le cabinet qui serrait les substances
animales, Maître Sanche passa à une armoire bien plus grande et plus large
qu’il ouvrit d’une deuxième clef.
    — Voici, dit-il, les bénéfiques
végétaux que j’emploie en mes remèdes, et ils sont, Dieu merci, en nombre
incommensurable : et d’abord les simples qui ne donnent que la peine de se
baisser pour les cueillir dans notre plat pays du royaume de France, et dans le
Languedoc en particulier. Puis les plantes, graines, sucs, extraits et cristaux
que nous faisons venir à grands frais de contrées éloignées : le sucre, de
Candie ; le poivre, de la côte de Malabar ; l’eau de rose, de
Damas ; l’indigo, de Bagdad ; le safran, d’Espagne ; le henné,
du Levant ; la jusquiane, de Perse ; le pavot, de la Thébaïde ;
le gingembre, des Indes ; la cannelle, de Ceylan. Quant au séné, mon beau
neveu, poursuivit-il, en me plaçant la main sur l’épaule, dont vous n’ignorez
pas les propriétés purgatives, sachez qu’il est à Paris et même en Montpellier
d’aucuns apothicaires chiche-faces et grippe-sous qui le font venir à prix
petit, de Seyde, mais pour moi (ici il haussa la voix), je tiens ce séné de
Seyde pour vil, rude, chargé de boue et de graveau, indigne d’être administré
même à un âne, et je lui préfère un milliasse de fois le séné d’Alexandrie,
plus coûteux assurément, mais net, sain et pur.
    Maître Sanche s’échauffa beaucoup en
prononçant ces paroles, la baguette brandie, la trogne cramoisie, et se
testonnant furieusement la barbe de ses doigts. Pour moi, je m’émerveillais que
lésinant si fort sur son pot, au cruel dépens de son estomac, et des nôtres, il
eût la main si large et la paume si ouverte quand il s’agissait des substances
qui entraient dans la composition de ses drogues et, à la réflexion, je n’en
admirais que davantage la haute idée que le maître apothicaire se faisait de
son art et de son devoir envers les malades.
    — Et enfin, dit Maître Sanche
en nous amenant devant un petit cabinet en noyer, attaché en ses quatre coins
au mur par de fortes bandes de fer, voici mon bien le plus précieux et passant
à mes yeux tous les trésors d’Arabie : les minéraux  – peu
nombreux, certes, mais quelques-uns fort beaux et d’aucuns d’entre eux fort
efficaces dans la curation des maladies.
    Quoi dit, il prit sous sa robe deux
clefs aux dentures fort compliquées et, les ayant introduites dans deux
serrures qui se voyaient dans la porte l’une en haut, l’autre en bas, il me
confia pour un temps sa baguette, et des deux mains tournant en

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