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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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pâtiment profitent à âme qui vive. Car enfin, qui
trompez-vous en l’aimant ? Elle est veuve et d’elle-même maîtresse.
    — Mais mon Pierre, le Seigneur,
du haut du ciel, voit mon abomination.
    — Qui n’est point si abominable
que des péchés que je pourrais dire. Et croyez-moi, le Seigneur aurait fort à
faire s’il voyait jusqu’aux grains de poussière qui dansent à la surface du monde.
En ces temps de procès, de bûchers, de puantes traîtrises, et d’innumérables
meurtres de frère à frère, croyez-vous qu’il ait l’œil à ces peccadilles ?
Et s’il les voit, qu’il les pèse dans les mêmes balances ?
    — Ce n’est point peccadille,
reprit Samson en retrouvant quelque roideur. La loi est la loi.
    — Et Christ n’a-t-il pas
enfreint la loi en empêchant la populace de lapider la femme adultère ?
Ha, Samson ! Vous ne voulez plus voir Dame Gertrude du Luc, ce bel ange du
ciel, cette créature tant gentille et suave ! Aurez-vous jamais plus douce
sœur ? Compagne plus aimante ? (Ici, s’attendrissant soudain, les
larmes lui jaillirent des yeux.) Au moins sentez-lui gré de vous avoir
soigné !
    — Mais, dit-il dans sa naïveté,
je feignais sur votre ordre. Je n’étais pas malade.
    — Vous l’étiez, Samson, non
point de fièvre. Mais d’un grand manque. Sans cela vous n’eussiez pas accueilli
les soins de Dame Gertrude avec tant d’appétit.
    Cela lui donna à penser, car il se
mit à se vêtir, sans piper mot, et toujours versant des pleurs et moi-même
m’accoisant à ses côtés, car je voulais laisser mes paroles faire leur trou, ne
doutant pas qu’elles trouveraient en lui de puissants avocats pour prolonger
leur écho.
    Et n’était-ce pas merveille, à y
songer plus outre, que je dusse me battre avec lui bec et ongles, et arguant du
meilleur comme du pire, pour l’empêcher de déconfire de ses mains son propre
bonheur ? Ha ! pensais-je. Que ne suis-je à sa place ? Si
j’avais, moi, une Dame Gertrude du Luc, je vivrais à son genou, fidèle et
l’adorant, au lieu, comme je fais, de m’enjuponner de l’une à l’autre –
non certes sans soulas ni commodité – mais sans rien non plus qui m’élève
l’âme et la nourrisse.
     
    *
    * *
     
    Je sortis de la chambre de
Samson – celui-ci me suivant, ses larmes séchées, et à ce qui me parut,
bien moins marri et rechigné que lorsqu’il s’était réveillé – et comme
bien on pense, sur Fontanette je tombai qui se donnait des airs d’essuyer la
rampe, mais que je soupçonnais d’avoir écouté à l’huis, car un grand pensement
paraissait lui trotter dans la tête, donnant rougeur à ses joues et branle à
son parpal. À Samson, elle jeta un regard de compassion et, m’envisageant de
l’œil le plus tendre, elle me dit que son très illustre maître (c’est ainsi que
tout un chacun appelait céans Maître Sanche) désirait me voir en son officine,
ajoutant, comme si j’allais me tromper de chemin au plus épais d’un bois,
qu’elle s’offrait à m’y conduire. Je n’eus garde de la rebiquer et, abandonnant
son chiffon sur la rampe, la mignote me précéda dans l’escalier, le pas si
alerte et la hanche tant mouvante et gracieuse que mes regards lui tinrent
chaud, je gage, tout le temps que dura cette dévalade.
    L’officine était une grande et belle
pièce, éclairée de deux fenêtres à meneaux, lesquels étaient faits de petits
carreaux et ornés de vrais verres et ceux-ci fort joliment teintés. Traversant
ladite pièce dans toute sa longueur trônait un comptoir de chêne poli chargé
d’une infinité de balances du cuivre le plus rouge, petites ou grandes, mais
toutes brillantes comme des soleils tant elles étaient fourbies. Derrière ce
comptoir, j’aperçus deux commis et le commis principal, Balsa, qui avait
quelque ressemblance avec un cyclope, étant borgne, avec le menton, les épaules
et les mains d’un géant, combien qu’il fût, en fait, assez petit, ses jambes
étant fort courtes. Il me fit, à mon entrée, un profond salut auquel je
répondis civilement en l’appelant par son nom et avec l’enjouement populaire et
familier que j’avais observé chez mon père quand il parlait à ses soldats. Je
ne sus si ce déportement lui plut ou lui déplut, car, son visage restant de
marbre, il tapa de sa baguette sur le comptoir et les deux commis me
saluèrent – à quoi je répondis par une inclinaison de tête, ne sachant que
penser de ces

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