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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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égale de miel, façonnant le
tout en une sorte de pâte que nous nommons électuaire et qu’en raison de
son précieux contenu, nous présentons au malade dans une petite boîte d’ébène.
    — Que de richesses sont ainsi
avalées ! s’écria naïvement Samson.
    — Certes ! Certes !
dit Maître Sanche, en lui lâchant le bras et en levant haut la baguette.
Coûteuse est la santé des grands !
    — Mais, dis-je, de quels maux
l’hyacinthe est-elle la curation ?
    — C’est ce que vous diront vos
professeurs du collège royal de médecine, dit Maître Sanche. Non medicus sum [22] et selon les règles de ma profession je ne façonne point de drogue sans une
ordonnance signée par un médecin, à tout le moins par un bachelier. À vrai
dire, ajouta-t-il avec un sourire où la piaffe le disputait à une feinte
humilité, j’ai quelques petites idées sur les maux auxquels l’hyacinthe peut
apporter bonne et durable curation, mais point ne vous les dirai, mon beau neveu,
ne voulant point empiéter sur les terres et territoires des professeurs royaux.
    Mais, empiéter sur ces dits
territoires, c’est ce qu’il fit cependant, en les doctes discours qu’il tint
par la suite, comme j’eus tout le loisir de m’en apercevoir.
    — Voici maintenant le lieu
secret où nous labourons et façonnons nos drogues, poursuivit Maître Sanche en
se dirigeant vers une petite porte fort basse en plein cintre et tant bien
aspée et bardée de fer que celle par où nous avions pénétré dans sa resserre. Il
la déverrouilla à son tour, et à sa suite nous entrâmes dans une seconde pièce
voûtée, de dimensions plus vastes que la première et mieux éclairée par deux
soupiraux à ras de terre, entre les barreaux desquels les deux molosses de la
courette vinrent incontinent pousser leurs mufles en grommelant. Mais cette
pièce-ci, au rebours de la précédente, n’était pas vide de présence humaine,
deux aides y labourant en grande diligence, vêtus tous deux de leurs chausses
et chemises, mais sans pourpoint et le cou nu, la chaleur s’échappant des
divers foyers allumés çà et là étant intolérable.
    Ces deux droles avaient peut-être
vingt ans d’âge et ils étaient fort maigres, ce qui n’était point pour
m’étonner tant ils étaient moites et sueux, et perdaient ainsi de l’aube au
couchant leurs substance et poids, sans compter que pour y celui, ils ne
pouvaient espérer le regagner s’ils n’avaient à se mettre sous la dent que le
pot de Maître Sanche. En outre, ils étaient fort pâles, la peau molle et sans
couleur, le poil tombant, l’œil sans lustre, peut-être en conséquence de vivre
ainsi sous clé, continûment en cave comme prisonniers en leur geôle ;
peut-être aussi de respirer tous les jours les fumées, vapeurs et entêtantes
odeurs qui s’échappaient de leurs préparations.
    — Céans, dit Maître Sanche,
après avoir adressé à ses aides un signe auquel ils répondirent par un profond
salut, sont diverses machines fort coûteuses qui toutes ou presque furent
inventées par les Maures, lesquels furent nos maîtres, comme vous savez, mes beaux
neveux, pour tout ce qui touche à l’alchimie, le mot lui-même étant
sarrazin – comme le sont tous ceux qui désignent les appareils que vous
voyez ici. Ce fourneau à combustion lente est l’ athanor, qui se dit al tannur en langue arabesque. Cette suite de tuyaux en poterie emboîtés
l’un dans l’autre et que nous utilisons pour sublimer les corps solides se
nommel’ aludel  – en arabesque al udal. Voicil’ alambique  –
en arabesque al inbiq  – dont vous n’ignorez pas qu’il sert à la
distillation. Mais à dire le vrai, tout céans est sarrazin, depuis le creuset
et la cassolette jusqu’à la cornue à long col.
    — Mais très illustre Maître,
dit Samson, l’œil brillant d’un enthousiasme que je ne lui avais jamais vu,
qu’en est-il de la sublimation et quelle est son usance ?
    — Par la sublimation, dit
Maître Sanche, et c’est là qu’on emploiel’ aludel, on fait passer
un corps solide à l’état de vapeur, laquelle vapeur en se refroidissant se
solidifie à nouveau en cristaux qui sont plus purs et plus nets que les corps
primitifs.
    Ainsi, du mercure on tire le sublimé
corrosif dont on use fort pour la curation du mal italien.
    Ayant dit, Maître Sanche se tournant
vers moi et se testonnant la barbe de ses doigts, m’envisagea d’un air grave.
    — Mon neveu, dit-il,

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